CECI n'est pas EXECUTE 30 juillet 1840

Année 1840 |

30 juillet 1840

Mgr de Retz à Alfred de Falloux

Rome, 30 juillet 1840

Monsieur

Vous avez bien voulu vous souvenir de moi, recevez en mes sincères remerciements. J'ai lu votre livre1 en deux jours, c'est vous dire assez le plaisir qu'il m'a procuré. Outre l'intérêt que présente le sujet, j'ai été à même d'admirer les talents et le bon esprit de l'auteur qui m'était connu. Cependant j'espère que vous attribuerai [sic] uniquement à mon amitié pour vous quelques légères observations qui vous montreront l'attention avec lequel j'ai lu votre livre. Sans être partisant [sic] de la déclaration de 1682 ce qui serait d'assez mauvais goût étant attaché au Saint Siège, je ne crois pas que cet acte, qui n'était pas un décret de loi mais simplement une exposition des principes soutenus dans les écoles de France, ait diminué les rapports du clergé français avec le Saint Siège, nous en avons la preuve dans les correspondances de Fénelon, de Bossuet et de plusieurs autres évêques soit avec le Saint Siège soit avec des cardinaux et autres prélats de la cour romaine nous trouvons dans les  [mot illisible] des divers papes qui ont gouverné l'Église depuis cette époque un grand nombre de brefs du pape a plusieurs évêques de France relatifs aux affaires de France et surtout l'introduction des mauvaises doctrines qui préparaient le renversement du throne [sic] et de la société entière. Il n'est pas également juste de dire que le clergé fut indulgent pour les abus et qu'il laissât les travers du siècle pénétrer dans ses rangs. Il existait à cette époque bon nombre d'évêques nommés sur la présentation du cardinal de Fleury2 car Mr Anfossi3 ne faisait que donner sa signature et préparer le travail, le cardinal renvoyant tout sur celle de Mr de Boyer4, évêque de Mirepoix, qui était un évêque respectable et sur celle de Mr le card[inal] de la Rochefoucauld5. Tous ces personnages avaient porté l'attention la plus scrupuleuse sur le choix des évêques. Les efforts du corps épiscopal contre les erreurs modernes se voient dans les mandements des évêques qui avertissaient du danger dont était menacé la société, entre autres les lettres pastorales de MgrMgr de Beaumont6 archevêque de Paris, de Pompignan7, de Montazet8 etc. etc. et dans l'immense et précieuse collection des procès verbaux des assemblées du clergé. S'il y a eu quelque chose à dire sur la conduite du clergé vis à vis des doctrines philosophiques ne pourrait-on pas dire que les évêques, effraiés [sic] des scandales auxquels avaient donné lieu la dispute sur le Jansénisme, avaient cru devoir emploier [sic] une autre tactique et espéraient qu'en temporisant, ils obtiendraient un autre résultat. A la page 256 de votre ouvrage, vous laissez planer sur la tette [sic, lire tête] de Mgr l'arch[evêque] de Vienne le soupçon d'un coupable silence. Vous avez suivi Mr l'abbé Proyart9 mais Mr Emery10 dans la préface des lettres de ce vénérable archevêque à un évêque (qui était Mgr Fretat de Sarra11, évêque de Tréguier, plus tard de Nantes) me semble l'avoir pleinement justifié, cet ouvrage a été imprimé vers 1801 ou 180. J'eusse désiré aussi que votre ouvrage eut été terminé par la magnifique allocution de Pie VI annonçant aux cardinaux le martyre [sic] de Louis XVI. C'est le plus beau monument élevé à la gloire de cet infortuné et saint monarque. Mille pardons de ces observations. Ce sont d'un ami qui a admiré votre travail et vous remercie comme vous remercieront tous les gens de biens des services qu'il rendra à la cause de la justice. Votre livre est si bien qu'il m'a donné une autre idée. S. Ex. le cardinal de Beausset12 avait projeté une histoire du cardinal de Fleury, il n'a pas pu la terminer il n'avait que recueilli des matériaux. Il serait digne de vous d'entreprendre cet ouvrage vous trouverai [sic] beaucoup de choses au ministère des affaires étrangères. Madame la duchesse de Fleury a conservé les papiers de ce cardinal. Les manuscrits du cardinal de Beausset sont au séminaire de Saint Sulpice. L'époque est belle et importante; vous pourriez y joindre dans la suite l'histoire du ministère Choiseul. On verrait dans ces deux ouvrages la naissance et les progrès du philosophisme et dont l'influence ou plutôt les efforts pour détruire la religion et par conséquent le royaume très chrétien c'est une lacune qu'il est nécessaire de voir remplie par un bon esprit. Mr Mutin13, je ne sais si vous le connaissez, je ne connais de lui que ses articles de journaux, préparait une histoire de la philosophie du 18ème siècle on dit que c'est un homme de talent. Mgr d'Hermopolis14 en faisait grand cas, il pourrait peut être vous donner des matériaux. Votre frère15 est si occupé qu'on ne le voit jamais et je sais qu'il se porte assez bien c'est l'important. Pour moi,  je vis toujours dans la retraite, attendant avec patience et résignation ce que le providence nous prépare...ces pauvres tourments [quatre mots illisibles] aura un résultat heureux Charles16 faira très bien de pousser cette afaire [sic] jusqu'au bout. Adieu, conservez-moi votre amitié et croyez qu'on ne saurait être plus dévoué que je le suis.   

Notes

1Falloux venait de publier une biographie de Louis XVI (Louis XVI, Ed. Delloye, 1840, 524 p.)
2Fleury André Hercule de (1653-1743), prêtre puis évêque de Fréjus, nommé cardinal en 1726. Académicien, précepteur de Louis XV, il fut ministre d’État de 1726 à 1743.
3Secrétaire du cardinal de Fleury.
4Boyer, Jean-François (1675-1755), précepteur du Dauphin père de Louis XVI, nommé évêque de Mirepoix de 1744 à 1746. Il partageait avec le cardinal de Fleury une profonde hostilité à l'égard des jansénistes.
5La Rochefoucauld, Frédéric Jérôme de Roye de (1701-1757), cardinal archevêque de Bourges.
6Beaumont Christophe de (1703-1781), prélat. Évêque de Bayonne en 1741, il fut nommé archevêque de Vienne en 1743 puis de Paris en 1746. Hostile aux jansénistes.
7Pompignan Jean-Georges Lefranc de (1715-1790), prélat. Frère du poète Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, il fut nommé évêque du Puy (1743), puis archevêque de Vienne de 1774 à 1789.  
8Montazet, Antoine de Malvin de (1713-1788), prélat. Évêque d'Autun (1748), puis archevêque de Lyon (1758), il fut adversaire des thèses jansénistes puis leur défenseur.
9Proyart, Liévin-Bonaventure (1743-1808), abbé.
10Émery Jacques-André (1732-1811), prêtre. Il fut supérieur général de la Compagnie de Saint-Sulpice.
11Fretat de Sarra, Jean-Augustin (1726-1783), évêque de Tréguier (1774-1775), puis de Nantes (1775-1783).
12Beausset, Louis François (1748-1824), évêque d'Alés, nommé cardinal en 1817.  
13Mutin Jean (1765-1834), diacre, journaliste et littérateur.
14Frayssinous Denis Antoine Luc (1765-1841), prélat. Évêque in partibus d'Hermopolis Parva, membre de la Chambre des Pairs, il fut ministre des Affaires ecclésiastiques et d l'Instruction publique de 1824 à 1827 et membre de l'Académie française. Il fut aussi précepteur du duc de Bordeaux, devenu plus tard le comte d Chambord.
15Mgr de Falloux.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 juillet 1840», correspondance-falloux [En ligne], Années 1837-1848, Année 1840, Monarchie de Juillet, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 22/11/2021