CECI n'est pas EXECUTE 22 août 1874

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22 août 1874

Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury à Alfred de Falloux

Paris, le 22 août 1874

Cher et illustre confrère,

Votre aimable lettre m’a tiré d’une sorte d’angoisse ; car, me disais-je, ai-je parlé du curé de Longué1, au gré du comte de Falloux ? C’est à lui qu’il faut plaire, puisque j’ai l’honneur d’être son confrère non au curé, que ses bonnes œuvres louent bien mieux que moi. Merci Donc! Me voici tranquille, et au-delà de ce que j’attendais et de ce que je méritais ; nous reprendrons si vous le voulez bien, votre observation sur Louis XIV. Elle est au fond très juste. Je crois pourtant que si le souci chrétien de la pauvreté était alors dans toute sa force et je dirais (songeant à Bossuet), dans tout son éclat, la philanthropie mondaine n’avait pas pris l’écho qu’elle a eu depuis. Nous avons tous lu les terribles pages de La Bruyère sur la pauvre « pas sans » ; nous avons couronné le livre de M. Feillet sur « la misère pendant la fronde2 » ; nous avons dans la mémoire les « Grands jours de Clermont » ; - et Madame de Sévigné elle-même, comment parlait-t-elle du menu peuple de vos énergiques contrées ? Mais encore une fois, ce sera entre vous et moi l’objet d’une causerie, si vous le voulez bien ; je ne veux que vous remercier aujourd’hui pour le plaisir que vous m’avez causé. Que n’ai-je eu la latitude que vous vous êtes en 1867 si courageusement donné ! «  … Vous venez de couronner des individus. Dieu veuille que vous ayez bientôt à couronner des peuples !... » Sur ce thème j’avais écrit quelques pages à l’adresse de l’Allemagne conquérante et intolérante. Il a fallu les supprimer.

Je vais de ce pas faire une visite au Val Richer3 à notre chère et illustre confrère M. Guizot. Sa faiblesse ne diminue pas ; peut-être a augmenté ; ni appétit, ni jambes, mais bon sommeil, parfois de 10 heures, et la tête toujours saine et forte. Il vient de publier 50 pages excellents de son IVe volume de l’Histoire de France ! Puisse-t-il l’achever ! Du Val Richer, j’irai à Trouville4, respirer l’air qui vient de l’océan qu’il fortifie la Normandie et qui communique son énergie à la Bretagne.

Veuillez, cher confrère, en accueillant les souvenirs et les remerciements de ma femme, agréer la nouvelle assurance de mes sentiments de haute et affectueuse considération.

Tous mes respectueux hommages à la comtesse de Falloux. Vous avez bien raison de nous promettre le recueil de vos articles sur M. Cochin.

Cuvillier-Fleury

1Commne du Maine-et-Loire.

2Alphonse Feillet (1824-1872), historien. Auteur de La misère au temps de la Fronde et Saint-Vincent de Paul, Paris, Didier, 1862.

3Situé dans le Calvados, à Saint-Ouen-le-Pin, Le Val-Richer est une ancienne abbaye, est acquise en 1836 par François Guizot.

4En Normandie.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «22 août 1874», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1874,mis à jour le : 09/06/2021