CECI n'est pas EXECUTE 2 juin 1867

Année 1867 |

2 juin 1867

Théophile Foisset à Alfred de Falloux

 

Bligny sous Beaune1, 2 juin 1867

 

Monsieur,

Je vous reproche vivement de n'avoir pas su mieux profiter de votre présence à Paris il y a un mois. Mais je suis tombé là au moment le plus critique des complications académiques, qui vous réclamaient tout entier. Puis vous avez été souffrant, vous avez eu une audience de l'empereur, et moi j'ai été brusquement rappelé ici pour l'état de la santé de Madame Foisset qui heureusement ne me donne plus d'inquiétude.

Rassuré de ce côté, j'ai repris mon travail sur le père et j'en suis à l'explication de ses dissentiments avec nous sur la question italienne ; il les faisait remonter à l'année 1847, époque à laquelle selon lui nous avions pris parti pour les jésuites contre Pie IX. Il s'est tout à fait mépris assurément sur nos sentiments d'alors à l'endroit du pape. Mais la question n’est pas là. Il s’agit pour moi de bien me rendre compte du travail qui s'est fait en 1847 dans l'esprit du père sur le point que je viens d'indiquer, travail qui a abouti à L’Ere nouvelle2 et à la faute plus grave d'avoir siégé une dizaine de jours à l'extrême gauche en 1848.

Un document d'une grande importance sous ce rapport est la lettre de Madame Swetchine du 9 novembre 1847. Mais vous l'avez imprimé <trois mots illisibles>. Oserai-je vous demander de me dire incidemment qui est M. XXX, dont il est parlé dans cette lettre ? Ne serait-ce pas le P. de Rozaven3 ?

Quant aux quelques hommes, mentionnés au troisième alinéa, ce sont évidemment les pères de la compagnie de Jésus.

Qu'il me soit permis de saisir cette occasion pour vous demander si dans les lettres que vous avez conservées du père, il n'y en aurait pas dont la communication pourrait être utile à mon travail. Si vous trouviez le temps de les relire dans cette pensée, je vous en aurais une extrême reconnaissance.

Vous avouerrai-je que j'ai été péniblement surpris de ce qu'après avoir lui-même indiqué le 25 avril la neutralisation du Luxembourg comme l’unique issue qui fut offerte à la sagesse des , Monsieur Lavedan à craché comme il l'a fait sur cette relation le 25 mai4 ? Certes l'empereur c'était fort imprudemment effort mal engagé dans cette impasse du Luxembourg : mais est-ce à nous de lui reprocher D'avoir reculé, d'avoir déserté la ligne de sa lettre à Monsieur Drouin de Lhuys5 ? Il n'y a pas là de quoi nous enorgueillir ; mais de deux maux il faut choisir le moindre : L'Empereur a fait à Londres6, ce que nous désirions qu'il fit, et qu'il était raisonnable de faire; ne lui faisons pas honte d'avoir immolé son amour propre à l'intérêt de la France. M. Forcade7 a été mieux inspiré le 15 mai, il avait donné la note juste, Monsieur Lavedan n'avait qu'à la suivre.

Sa chronique du 25 avril était de tout point parfaite. Mais, en général, ce qu'écrit M. Lavedan ressemble trop au <deux mots illisibles> d'un journal qui fait de l'opposition quand même. Ce n'est pas le ton d'une revue ; c'est aigu, c'est agaçant. Je ne mets à la place de Monsieur Alfred Leroux8 ; il me semble qu'une telle polémique n'inclinerait pas en faveur de l’accomplissement des promesses de janvier. Est-ce cela ce que nous voulons ?

Je vous demande pardon de cet épanchement d'humeur et je vous prie d'agréer, Monsieur, le nouvel hommage de ma vive reconnaissance et de mon respect profond.

Foisset

1Commune de Côte d'Or où réside Théophile Foisset.

2Journal fondé au lendemain de la Révolution de Février par les abbés Lacordaire, Maret et de Coux, ainsi que F. Ozanam, le fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, L’Ère nouvelle reprenait dans une certaine mesure l'entreprise tentée en 1830 avec L'Avenir pour concilier Dieu et la démocratie.

3Rozaven, Jean-Louis (1771-1851), père jésuite.

4Sans doute Foisset fait-il allusion à la rubrique Les événement du mois que tient Lavedan dans le Correspondant qui paraît alors tous les 25 du mois.

5Drouyn de Lhuys, Édouard (1805-1881), diplomate et homme politique. Député de l'opposition libérale sous la Monarchie de Juillet (1842-1846), il sera réélu en 1848 à l'Assemblée constituante. Ministre ds Affaires étrangères, aux côtés de Falloux dans le premier gouvernement Barrot, il sera remplacé en juillet 1849 par A. de Tocqueville. Redevenu ministre des Affaires étrangères le 14 janvier 1851, il soutint le coup d'état. Il occupa à nouveau le poste de ministre des Affaires étrangères de 1852 à 1855 et de 1862 à 1866. En désaccord avec l'Empereur qui refusait d'intervenir militairement contre la Prusse, il démissionna le Ier septembre 1866 cédant la place à Ch. de la Valette. Il s'éloigna dés lors définitivement de la scène politique se consacrant exclusivement à l'Académie des sciences morales et politiques.

6Napoléon III s’était rendu à Londres pour assister à la une conférence diplomatique entre les grandes puissances européennes (France, Grande-Bretagne, Prusse, Autriche, Russie et l'Italie) qui s'était tenue à Londres entre le 7 et le 11 mai 1867. Le but de cette conférence diplomatique était régler l'ordre politique de l'Europe du Nord après l'éclatement de la Confédération allemande en 1866. Elle avait abouti au second traité de Londres.

7Forcade, Eugène (1820-1869), journaliste. Cofondateur de la Revue des Deux Mondes. Il était le rédacteur de la Chronique de la Quinzaine de la Revue des Deux Mondes.

8Le Roux, Alfred (1815-1880), banquier et homme politique.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «2 juin 1867», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1867,mis à jour le : 22/07/2022