CECI n'est pas EXECUTE 17 mars 1868

Année 1868 |

17 mars 1868

Théophile Foisset à Alfred de Falloux

Dijon, 17 mars 1868

Monsieur,

J'étais bien décidé à me taire absolument quant à présent sur l'inqualifiable article de l'abbé Morel sauf à rétablir la vérité sur tous les points dans mon livre et c'est dans cette pensée que j'ai eu l'honneur de vous écrire. Non que je veuille le prendre à partie pour son nom dans mon ouvrage, mais il y a moyen de réfuter la calomnie sans salir la réparation en nommant le calomniateur. Je ne saurais rendre le sentiment que me fait éprouver ce malheureux homme.

Toutefois je reçois du père Jandel1 une lettre que je crois devoir renvoyer à la Revue du monde catholique. Cette lettre a exclusivement trait à la plus venimeuse assertion de l'abbé Morel, savoir que le père Lacordaire a été mandé à Rome en 1850 pour avoir à rendre compte de sa conduite dans la congrégation du concile. Le père Jandel déclare que rien de pareil n'a eu lieu ; qu'il n'a jamais été question à Rome d'envoyer un <mot illisible> au P. Lacordaire; que seulement le cardinal Orioli2, préfet de la congrégation des réguliers, contrarié d'un article de L'Espérance de Nancy, qui présentait la nomination (dès lors pressenti) du père Jandel au généralat comme la canonisation par le Saint-Siège des opinions politiques du père Lacordaire, Le cardinal Orioli, dis-je, sous l'empire de la préoccupation que j'indique, avait prié lui Jandel encore simple religieux, d‘écrire comme de lui-même au Père Lacordaire pour lui faire part des préventions qui existaient à Rome envers lui et de vouloir bien les détruire en donnant dans sa réponse quelques explications sur trois points déterminés; qu’une lettre en ce sens écrite par le père Jandel au Père Lacordaire, sur quoi ce dernier, prit une de ces résolutions soudaines qui étaient dans sa nature, accourut à Rome, où personne ne le demandait, où personne ne l'attendait, ce qui édifia grandement le cardinal Orioli et le Souverain Pontife3, et que là il souscrivit en septembre 1850 les trois propositions que l'abbé Morel a rapportées en substance.

Le doyen du chapitre cathédrale de Dijon que j'ai consulté à cet égard a jugé que dans l'intérêt de la mémoire du Père Lacordaire il ne fallait pas laisser au récit de l'abbé Morel le temps de s'accréditer et de prendre racine dans les esprits; que la rapidité avec laquelle ce récit avait été propagé en France par L’univers et par Le monde, en Belgique par la Catholique, en Espagne par le Pensamiento, montrait assez le parti qu'on espère tirer de la version Morel, que par conséquent il ne faut pas ajourner à une époque incertaine comme celle de la publication de mon livre, la <mot illisible> du fait altéré. J'ai donc envoyé à la Revue du monde catholique la lettre du P. Jandel, avec invitation de l'insérer dans le prochain N° (25 mars), en me gardant bien d'y joindre un commentaire.

Je suis bien touché, Monsieur, de la part que vous avez pris au malheur si grand qui m'a frappé. Cette longue et poignante maladie et la catastrophe qui en a été le nom ont nullement interrompu mon travail. Je n'en suis qu'à l'année 1841.

Mais toute la vie politique du Père a été de ma part l'objet d'une étude à part, qui est achevée. J'espère bien ne point publier mon livre ans savoir avec vous, Monsieur, de longs et féconds entretiens.

En attendant, je suis heureux de renouveler l'hommage du sentiment bien profond avec lequel je suis à vous.

Foisset

1Jandel, Alexandre Vincent (1810-1872), ordonné prêtre en 1834, il entra dans l’Ordre des Prêcheurs en 1839. Il participa aux côtés du P. Lacordaire à la restauration de l’Ordre des Prêcheurs en France. Il fut choisi par Rome pour devenir vicaire général de l’Ordre en 1850, puis Maître général à partir de 1855.

2Orioli, Antonio Francesco (1778-1852), prélat italien. Membre de la curie romain, il exerce des fonction auprès de la Congrégation de l’Index. Élu évêque d’Orvieto en 1883, il est créé cardinal en 1838. Il participa au conclave de 1846 qui élit Pie IX. Il devint préfet de la Congrégation des évêques en 1848.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «17 mars 1868», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1868,mis à jour le : 15/11/2021