Année 1868 |
3 avril 1868
Théophile Foisset à Alfred de Falloux
Dijon, 3 avril 1868
"Ces pourquoi, dit le Dieu, ne finiraient jamais"
Je crains que vous ne que vous ne me répondiez comme le Dieu dont parle la poésie et pourtant il m'est impossible de ne point vous poser une question. Daignez m'entendre.
J'ai sous les yeux une lettre à Monsieur de Montalembert, où je lis ceci :
"Rome, 20 avril 1841. J'ai prié Madame Swetchine de relire la lettre où je lui racontais la conclusion de l'affaire de mon livre."
Il s'agit d'un passage de la Vie de saint Dominique que le cardinal Lambruscini1 avait menacé de faire mettre à l'index ; je connais ce passage.
Or, en 1841, depuis le retours du Père [Lacordaire| à Rome, il n’y a antérieurement au 20 avril qu’une seule lettre de lui à Madame Swetchine; elle est datée du 10 avril.
Dans cette lettre telle que vous l'avez publiée, il n'est pas fait la moindre allusion à cet incident d'une menace de mettre le livre du père à l'Index.
Je me persuade que vous avez retranché ce qui avait trait à l'incident en question. Oserai-je vous prier de vouloir bien me dire ce qui en est ?
Je sais parfaitement le commencement de l'anecdote ; mais j'ignore comment le cardinal Lambruscini a été amené à se désister de son dessein. Si la lettre du 10 avril 1841 s'en explique, je serais heureux de savoir en quels termes.
J'ai récemment fait part à Mgr d'Orléans2 de l'anecdote susdite. Il est d'avis que je dois en parler, sauf à émettre la réserve qui convient. Mais dans l'état présent de mes informations, si je parle du fait, j'en serai réduit à dire sans explication que l'incident n'eut pas de suite.
Ce récit est de nature à faire toucher du doigt l'abus que l'on peut faire à Rome de l'Index. Vous ne devinerez jamais quel était le passage incriminé : la politique (et quelle politique !) était là pour tout, absolument tout, la théologie absolument pour rien.
Agréez, je vous prie, Monsieur, l'hommage de tout mon respect.
Foisset
1Lambruscini, Luigi (1776-1854), cardinal italien, il fut secrétaire d’État et diplomate pontifical. Fidèle à Grégoire XVI, il en partageait les idées conservatrices et antilibérales.
