CECI n'est pas EXECUTE 30 octobre 1879

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30 octobre 1879

Emmanuel de Rorthays à Alfred de Falloux

Nantes, 30 octobre 1879

Monsieur le comte,

De tous les <mot illisible> qui attristent quotidiennement les cœurs honnêtes au temps où nous vivons, je n’en connais guère de plus cruel que celui qui a été donné hier du haut de la chaire épiscopale dans la cathédrale de Nantes. Que Mgr Freppel ait jugé opportun, dans une ville et devant un auditoire où l’on comptait parmi les catholiques un grand nombre de gens attachés aux souvenirs de la révolution de 1830 et à propos d’un serviteur passionné du régime qui en est sorti, d’instruire avec une sévérité dont la chaire n’avait pas à connaître le procès de ce douloureux épisode de notre histoire, ce n’était qu’un écart grave sans doute, et regrettable à tout les points de vue qu’on considère les intérêts de la Royauté ou qu’on envisage ceux de l’église mais qui ne blessait après tout ni la vérité ni la justice.

Mais, que sous le voile des allusions les plus transparentes dans cette chaire même où le plus grand évêque de notre siècle prononçait il y a quinze ans l’oraison funèbre du généreux vaincu de Castelfidardo ; à propos de l’inauguration d’un monument qui doit <mot illisible> à l’homme d’État auquel l’Église doit la plus importante conquête, j’allais dire la seule qu’elle ait faite depuis 90 ans sur la révolution ; Mgr d’Angers <deux mots illisibles> avec une perfidie préparée de longue main, à diminuer et le mort et le vivant. Qu’il ait cherché à l’heure où le besoin de la Concorde et du rapprochement est plus impérieux que jamais, à exploiter le souvenir des dissentiments du passé au bénéfice de la haine inavouable et de l’injuste vieille rancune, voilà un acte indigne d’un chrétien plus indigne encore d’un évêque, où l’on ne sait ce qui révolte le plus, de l’indignité, de l’ingratitude ou de l’oubli des grands intérêts compromis.

C’est avec une douleur mêlée à un sentiment d’effroi que j’ai entendu pour ma part cet incroyable discours qui restera comme une preuve lamentable de l’anarchie qui règne dans les esprits, dans les intelligences et dans les âmes à l’une des heures les plus solennelles de notre histoire et à la veille d’une crise sociale où la France est exposée à périr.

Convaincu de la parfaite maladresse mais aussi de la parfaite pureté d’intention de Mgr Lecoq1 que j’ai l’honneur de connaître depuis quatre ans, j’avais regretté, vous me permettrez cette franchise que vous n’eussiez pas passé outre à des procédés dont vous êtes en droit de vous plaindre. Mais le discours que j’ai entendu hier fait mieux qu’expliquer votre absence et tout le monde comprendra que le jour prévu vous ne soyez pas venus l’entendre.

Je n’ai pu <mot illisible> hier après la conversation Mgr de Nantes2 : mais je me suis longuement entretenu de ce douloureux incident avec Mgr de Tours3 et Mgr de Vannes4 et si j’en juge par l’impression qu’ils ont ressentie, Mgr Freppel est loin d’avoir obtenu l’approbation de ses collègues. Placé dans la cathédrale près de l’amiral de Montaignac5 et du général de Rochebouet6, il m’a été facile de voir que parmi les assistants, Mgr d’Angers n’avait pas trouvé que les admirateurs.

Veuillez agréer, Monsieur le comte, l’expression d’un attachement bien ancien déjà mais plus fidèle et plus respectueux que jamais.

E. de Rorthays

 

 

1Le Coq, Jules François, nommé évêque de Luçon en janvier 1875, il avait nommé évêque de Nantes en septembre 1877.

2Voir note supra.

3Collet, Charles Théodore Collet (1806-1883), ordonné en 1831, vicaire général de Dijon, il fut nommé évêque de Luçon le 5 juin 1861. Il avait été promu à l’archevêché de Tours le 25 novembre 1874.

4Mgr Bécel, Jean-Marie (1825-1897), évêque de Vannes du 30 décembre 1865 au 6 novembre 1897.

5Montaiganc de Chauvance, Louis Raymond (1811-1891), militaire et homme politique. Amiral, il fut élu député de l’Allier en 1871. Ministre de la Marine du 22 mai 1874 au 9 mars 1876. Il sera nommé sénateur inamovible de 1876 à 1891. Il est le beau-frère du général Lamoricière.

6Gaston de Grimaudet de Rochebouet (1847-1909), général et homme politique. Propriétaire foncier à Chaumont d'Anjou (Maine-et-Loire), il fut brièvement président du conseil sous la présidence de Mac-Mahon, du 23 novembre au 13 décembre 1877. Ces deux notables angevins venaient d'être élus à l'occasion des élections cantonales du 8 octobre 1871 au cours desquelles deux tiers des 2860 sièges avaient été conquis par les républicains.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 octobre 1879», correspondance-falloux [En ligne], 1879, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 09/12/2021