CECI n'est pas EXECUTE Ier juillet 1846

Année 1846 |

Ier juillet 1846

Pierre-Antoine Berryer à Alfred de Falloux

Paris, Ier juillet 1846

Mon cher Falloux, je ne sais rien de positif sur les projets de M. Lamoricière, je ne l'ai point vu et ne le verrai pas. On dit qu'il se présente dans beaucoup de collèges. A Segré, la gauche qui veut lutter contre vous pour garder Jouneaulx1 repousse absolument M. Lamoricière. J'espère qu'aucun de nos amis ne lui donnera sa voix. Maintenez donc fortement et jusqu'au ballotage votre candidature. La présentation du général à Nantes contre Duboys2 est aussi repoussée par l'opposition; elle veut le moins attaquer à Cholet mais Sevret3 et le ministère prétendent lutter contre M. de Quatrebarbes4 et je ne pense pas que le général y soit porté par personne. Laissons faire à Nantes mais nous annonçons positivement notre lutte contre Lamoricière à Segré et à Cholet. Nous engageons nos amis à soutenir Farran5 pour l'opposition à Angers, Bineau6 au deuxième collège, Tessié7 à Doué contre Alain-Targé8. M. Dubost ne se porte à Baugé qu'avec la disposition de se reporter sur Dutier9. Ce concours en faveur des quatre hommes de l'opposition doit nous assurer en échange un appui à Cholet et une loyale concurrence à Segré; là encore l'opposition doit éviter et faire ce qu'il faut pour éviter la nomination d'un ministériel. Lamoricière vient en France pour s'assurer une haute position à Alger si Bugeaud10 revient pour se marier et pour se faire élire; c'est trop de choses en un même voyage et toute l'opposition voit bien ce que serait le général à la chambre. Mon bon ami Grandville11 est prés de vous; dites-lui toutes mes tendresses, je devais lui écrire et n'en ai pas le temps d'ailleurs je n'ai rien de nouveau à lui mander, on est toujours dans des incertitudes et des hésitations pour Paimboeuf. Aristide Sacel pourrait désigner un candidat local ou à peu près et toutes les oppositions l'adopteraient ici et écriraient en conséquence. Soignez bien votre santé12, retournez au plus tôt au lieu du combat et croyez toujours à ma vive et sincère amitié.

Berryer

Notes

1François Jouneaulx, médecin à Candé, candidat de l'opposition de gauche. Conseiller d'arrondissement de Segré, il fut successivement élu député du collège de Segré en 1839 (centre gauche) et en 1842 (gauche).
2Jean-Jacques Duboys (1768-1845), militaire, magistrat et homme politique. Représentant aux Cent-Jours, il fut député du collège de Beaupréau de 1830 à 1839. Battu par Poudret de Sevret, il renonça à la vie politique. Démissionnaire, de son poste de conseiller à la cour royale de Paris, en 1844, il s'était retiré sur ses terres de la Bizolière en Savennière.
3René Chevalier Poudret de Sevret (1775-1851), militaire et homme politique. Conseiller général du canton de Chemille, il fut élu député du collège de Cholet en 1839 et réélu en 1842 contre Théodore de Quatrebarbes, candidat légitimiste.
4Théodore de Quatrebarbes, comte (1803-1871); légitimiste angevin, maire de Chanzeaux de 1845 à 1852, conseiller général du canton de Saint Florent-le-Vieil de 1845 à 1852. Élu en 1846 au collège de Cholet contre Poudret de Sevret, il fut réélu à l'Assemblée constituante de 1848.  Il jouera un grand rôle à la tête des zouaves pontificaux.  Auteur des Œuvres complètes du roi René, Paris, Cosnier et Lachèse, 1844.
5Antoine-Jean Farran (1791-1872), négociant et homme politique. Maire d'Angers en 1837, il fut élu du centre gauche au collège d'Angers de 1837 à la révolution de 1848.
6Jean-Martial Bineau (1805-1855), ingénieur polytechnicien, il fut chargé de la direction des chemins de fer français au Ministère des Travaux publics. Né à Gennes, en Maine-et-Loire, il avait été élu député du département en 1841 (2ème collège d'Angers) et présidait le Conseil général.
7Eugène-Marie Tessié de la Motte (1799-1877), homme politique. Né dans une importante famille  angevine des Rosiers dont il sera maire pendant près de 48 ans, devenu officier de la garde royale, il fut révoqué pour opinions libérales. Hostile à Charles X, il avait participé aux trois journées insurrectionnelles de juillet 1830 et acclamé Louis-Philippe. Depuis quelques années il ne se privait pas néanmoins de condamner l'autoritarisme de la monarchie de Juillet
8François Henri Allain-Targé (1797-1884), avocat et homme politique. Né à Saumur, appartenant à une famille angevine de magistrats, il débuta sa carrière en 1814 comme  avocat à la cour royale d'Angers puis y fut nommé (1819) conseiller auditeur. Devenu  avocat général de cette même cour après la Révolution de juillet, il fut également membre du conseil général, puis, le 12 juin 1837, député centre droit (collège de Doué) après le décès de Félix Bodin. Battu par Eugène Tessié de la Motte aux élections générales de novembre 1837, il n'avait plus été réélu. Il avait été nommé, en 1884, procureur général de la cour de Riom.   
9Jean Dutier (1794-?), avocat et homme politique. Né à Baugé, il en deviendra le maire. Conseiller général du canton, membre de l'opposition de gauche, il était, depuis 1837 député du Maine-et-Loire (collège de Baugé).
10Thomas-Robert Bugeaud de la Piconnerie, duc d'Isly (1784-1849). Maréchal de France, son nom reste attaché à la colonisation de l'Algérie. Il était, depuis 1831, député de la Dordogne (collège d'Exciteuil).
11Aristide Locquet de Grandville (1791-1853).
12A. de Falloux souffrait fréquemment de crises névralgiques très handicapantes.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «Ier juillet 1846», correspondance-falloux [En ligne], Année 1846, Années 1837-1848, Monarchie de Juillet, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 08/10/2013