CECI n'est pas EXECUTE 20 aôut 1855

Année 1855 |

20 aôut 1855

Charles Brifaut à Alfred de Falloux

 

 

 

Paris le 20 août 1855

Vous êtes toujours aimable et moi toujours malade, mon cher Alfred. Le ciel l’a décidé ainsi ; suivons jusqu’au bout notre vocation. Cependant je vois que vous chassez un peu sur mes terres : vous vous permettez à votre tour de souffrir. Cela n’est pas juste. Dieu vous a fait pour servir votre pays, pour plaire à tout le monde, amis et ennemis : tenez vous en là, je vous prie. Heureusement vous avez près de vous la plus charmante des consolatrices, la meilleure des gardiennes. Celle qui s’entend le mieux à soigner, à soulager, celle dont le cœur fait tout ce qui fait du bien au cœur et à la main. Je n’ai pas besoin de lui dire : guéris-le de ses maux, sauves-le de ses ennemis. Mon Dieu, combien je regrette de ne pouvoir aller vous visiter dans votre paradis terrestre ! Si je passais quelques jours seulement quelques heures avec vous, comme je me parfumerais de vertu, combien je ferais de provisions de bonheur ! Je reviendrais ici tout renouvelé, tout perfectionné.

Loin d’en être là, je traîne mon boulet dans la plus abominable des galères, et ce qu’il y a de pis, c’est que tous les jours j’apprends de tristes nouvelles. Ici ma bonne, ma brillante duchesse de Narbonne1 qui disparaît d’un monde qu’elle éclairait de son esprit, qu’elle ornait de ses vertus ; c’est elle qui disparaît de notre horizon. Là, c’est notre charmante duchesse de Rauzan2 dont la santé, un peu raffermie, laisse toujours des inquiétudes à ceux qui l’aiment, c’est-à-dire à tout le monde. Et puis voilà que la guerre nous enlève les fils et les petits-fils de nos amis3. On passe d’une tombe à une tombe, on pleure sur des victimes glorieuses que d’autres vont suivre à cette époque aussi pourra être belle, mais qu’elle causera de douleur ! Voilà encore le fils de ce bon François de Villeneuve couché sur son premier laurier. Mais pardon ! Ma lettre est un de profundis. Revenez revenez et je chanterai Deo gratias !

À vous, comme toujours.

Brifaut

Des nouvelles de vos yeux, s.v.p.

1Narbonne-Pelé, Anne-Angélique Marie Emilie de Sérent de Kerfily (1770-1856), duchesse de.

2Rauzan, Claire Henriette Philippine Benjamine, duchesse de (1799-1863), fille de la duchesse de Duras, elle avait épousé le duc Henri-Louis de Rauzan en 1819.

3La France est alors en guerre avec l’Empire russe.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «20 aôut 1855», correspondance-falloux [En ligne], Année 1855, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Second Empire, Année 1852-1870,mis à jour le : 14/12/2021