Année 1848 |
22 février 1848
Alfred de Falloux à Louise de Falloux
Falloux à sa mère
Paris, 22 février 1848
Nous avons pris part à toutes les délibérations particulières de cette semaine, et refusé notre place au Banquet. Berryer a prédit, dans son discours de samedi à la réunion Barrot1, tout ce qui leur est arrivé hier; nous avons pris une bonne position entre tous les partis. La gauche nous sait gré de l'avoir appuyé de nos votes dans la chambre, les conservateurs, de ne l'avoir pas suivi, dans la voie révolutionnaire. Mais à partir des ordres violents donnés par le ministère, la question n'est plus dans la chambre, elle est transportée dans la rue. Ce matin, 2 à 3.000 personnes sont venus pour s'emparer de la chambre; elles étaient fort désordonnées, non armées, elles ont donc été facilement repoussées. Nous sommes enveloppés de régiment et de parfaite sécurité. Les groupes sont fort nombreux là où les patrouilles laissent approcher, mais peu animés. On croit généralement que si la soirée se passe tranquillement tout sera fini demain, mais cette soirée n'est pas encore passée. Les ouvriers sortis de leurs ateliers vont chez les marchands de vin, c'est là qu'on les échauffe, et de là qu'on peut se mettre à leur tête.
M. Barrot va déposer tout à l'heure un acte d'accusation. C'est un acte peu sérieux, et destiné à calmer les gens qui voulaient faire le banquet bon gré mal gré. La chambre va retomber dans ses crises et les lois d'enseignement sont en suspens comme les ministères qui les ont faites. Mais n'ayez nulle peur pour moi. Les choses vues de prés ne sont pas si effrayantes que de loin.
