Année 1848 |
18 février 1848
Alfred de Falloux à Louise de Falloux
Paris, 18 février 1848
Nous sommes retombés dans un calme apparent mais que le moindre incident troublera car il y a un grand fond d'animosité dans les deux partis1. Tout se prépare chacun de son côté pour la grande démonstration de dimanche prochain mais d'après mes conjectures personnelles, le ministère voyant que la garde nationale penche un peu du côté de l'opposition, cherchera un moyen terme. Les députés dîneront, l'autorité en dressera procès verbal et il s'en suivra un procès qui fera gagner au moins cinq ou six mois, en sorte qu'à moins que la population ne s'ameute d'elle même, et ne provoque directement la collision, tout se bornera à un ajournement devant la police correctionnelle, et le ministère continuera à se prélasser au milieu de sa majesté fort réduite mais fort tenace.
Berryer va un peu mieux, il est fort attristé de la tournure des affaires ici et de l'absence de toute bonne nouvelle de Venise2 ou Frohsdorf3. Si cette stérilité se prolonge, nous serons dans une situation bien pénible et bien ridicule. M de Salvandy en attendant nous taille de la besogne. Il y a lieu d'espérer que sa loi primaire4 soit rejetée parce qu'elle demande beaucoup d'argent. Je crois donc que nous autres du côté droit, ferons bien de nous effacer dans cette discussion pour ne pas détourner de voter contre la loi ceux qui ne considèrent pas le côté financier de la question. Cependant il faut toujours se préparer un peu et travailler même pour ne rien dire.