Année 1857 |
13 février 1857
François Guizot à Alfred de Falloux
Paris, 13 février 1857
Vous me donnez, Monsieur, une liberté dont je ne veux pas user. Je tiens à vous dire combien je suis touché des sentiments que vous voulez bien me témoigner. Vingt ans d’intimité avec une grande âme et un esprit à la fois supérieur et charmant ! Vous avez raison ; cela ne se remplace ni ne s’oublie, et il y a presque quelque chose de choquant dans ces paroles, comme si, en les prononçant, on semblait admettre qu’elles sont possibles. Je vous remercie de votre sympathie. Vous êtes, si je ne me trompe, de ceux qui peuvent comprendre ce que j’ai possédé et perdu.
La neige s’en va et le beau tems [sic] arrive. Je ne dis pas cela pour vous presser. L’académie a l’impatience qui doit vous plaire et non pas celle qui pourrait vous gêner1. Ce qui importe un peu, c’est que vous soyez reçu assez tôt dans le printems [sic] pour que nous puissions, avec votre concours, donner un successeur à M. de Salvandy avant qu’on ne parte pour la campagne. Le duc de Noailles2 m’a dit hier que madame de La Ferté3 arrivait la semaine prochaine. Le duc et la duchesse4 d’Ayen reviendront, je crois, vers le milieu de mars. J’espère que votre santé ne vous sera pas une nouvelle cause de retard quand les autres auront disparu. Je me promets un grand plaisir à vous entendre et à causer un peu avec vous.
Croyez, je vous prie, Monsieur, et à ma considération la plus distinguée, et à mes sentiments très dévoués.
Guizot
1Falloux, élu en 1856 à l’Académie française au fauteuil laissé vacant par la mort de Louis Molé, y prononcera son discours de réception le 26 mars 1857.
2Jules dit duc de Noailles (1826-1895), fils du duc d’Ayen, Paul de Noailles (1801-1885).
3La Ferté-Meung, Clotilde (1810-1872), fille de Louis Molé, épouse du duc de Noailles (voir note ci-dessus).
4De Rochecouart de Mortimart (1800-1887), Alice.
