CECI n'est pas EXECUTE 8 novembre 1857

Année 1857 |

8 novembre 1857

Ivan Gagarin à Alfred de Falloux

Paris, 18, rue des portes, 8 novembre 1857

Merci, mon cher ami, de la bonne nouvelle que vous me donnez ; je me fais une fête d’avance de cette vie de notre excellent amie. Je ferai ce que je pourrais pour tout recueillir, mais la première chose à faire me semble être de nous adresser à la comtesse Fredro1. Ce qu’elle ne saura pas vous dire par elle-même, elle vous le fera savoir en vous indiquant les personnes de Pétersbourg qui ont connu Madame Swetchine et qui pourront vous fournir des détails précieux. Je vais donc lui demander tout cela. Je ne sais rien de cette influence que Madame Swetchine aurait exercer sur l’empereur Alexandre2. Seulement, je profite de cette occasion pour révoquer en doute cette grande influence que l’on attache au comte de Maistre3 sur Madame Swetchine ; très certainement ils n’ont pas pu se connaître sans que le comte de Maistre ne fit impression sur Madame Swetchine mais je crois en même temps que le comte de Maistre n’était guère fait pour convertir personne et Madame Swetchine moins que toute autre. Ces deux esprits pouvaient s’attirer par bien des points mais ils se repoussaient aussi par plus d’un endroit. Il suffit de se rappeler que c’est en lisant Fleury4 que Madame Swetchine a dissipé tous ses doutes. Quant au fait même, voici comment il s’est passé à ce que m’a raconté Madame Fredro. Un jour pour un malade catholique qui à la mort, Madame Swetchine est venu chercher le père Rozaven5 en voiture et l’a emmené auprès du moribond ; c’est dans la voiture que la résolution dernière a été prise et le lendemain matin, Madame Swetchine se confessait et communiait. Madame Swetchine m’a dit bien des fois qu’elle n’avait pas fait d’abjuration formelle, qu’elle s’était confessée au Père Rozaven à Pétersbourg, et que celui-ci après lui avoir donné l’absolution, l’avait envoyée à la sainte table. Le fait du malade et de la voiture, je le tiens de Madame Fredro.

Je suis confus des sentiments que Monsieur Cochin veut bien me témoigner. Quant à l’article en question, Monsieur de Montalembert l’a lu, il en est très content, il demande seulement quelques suppressions sur les points techniques qui n’ont intérêt que pour les et sur les points qui peuvent blesser les Polonais.

Adieu, mon cher ami, priez pour votre tout dévoué,

Y. Gagarin6

Bien des remerciements pour le petit mot si bien dit dans le Bulletin du bouquiniste à l’occasion du P. Cadri.

Rappelez-moi au souvenir de Madame de Falloux.

1La comtesse Praskov’ja Fredro, née comtesse Golovina, 1790-1869, convertie au catholicisme en 1814.

2Alexandre I (1777-1825), tsar de Russie de 1801 à sa mort. Il avait eu une relation épistolaire importante avec Mme Swetchine.

3Joseph de Maistre (1753-1821), philosophe. Savoyard, il était sujet du roi de Piémont-Sardaigne. Magistrat au Sénat de Savoie comme son père, il quitta la Savoie à l'arrivée des troupes françaises en septembre 1792 et se réfugia en Piémont puis en Suisse. Il publia, en 1797, son premier ouvrage Les considérations sur la France. Rentré en Italie en 1799, il fut chargé par le roi de Sardaigne de le représenter auprès du tsar. Il resta en poste à Saint-Pétersbourg jusqu'en 1817. Revenu en Italie, il mourut à Turin. Auteur de plusieurs ouvrages, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (1814), Du Pape (1819) et Les Soirées de Saint-Pétersbourg (ouvrage publié en 1821 peu après sa mort), De Maistre, comme De Bonald refusa tout compromis avec les principes nouveaux issus de la révolution. Joseph de Maistre et Mme Swetchine, sur laquelle Falloux écrivit une biographie, avaient lié connaissance en Russie.

4Fleury, Claude (1640-1723), abbé, prieur et confesseur du roi. Il est l’auteur d’une importante Histoire ecclésiastique, publiée en 1722.

5Le Père Jean-Louis de Lésseigues de Rozaven (1772-851), de l'ordre des jésuites, fut à l'origine de plusieurs conversions dans l'aristocratie russe, en particulier de celle de Mme Swetchine.

6Gagarine, Yvan Sergueevitch (1814-1882), prince d’origine russe, neveu de Mme Swetchine. Il s’était converti au catholicisme le 10 avril 1842. Entré chez les Jésuites il œuvra pour la conversion de la Russie. Fondateur de la revue "Études" et de la Bibliothèque slave de Paris, il est l’auteur de plusieurs ouvrages.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «8 novembre 1857», correspondance-falloux [En ligne], CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Année 1852-1870, Second Empire, Année 1857,mis à jour le : 28/08/2022