Année 1859 |
26 décembre 1859
François Guizot à Alfred de Falloux
Val Richer1, 26 décembre 1859
Je n’ai pas voulu, Monsieur et cher confrère, vous remercier avant de vous avoir lus vous et Madame Swetchine. Aujourd’hui je vous remercie sincèrement. C’était une bien belle âme et ce devrait être une société charmante. Des convictions si fortes et des sentiments si sympathiques, l’esprit si ouvert et point ouvert à tous les vents. Elle méritait tout ce que vous lui avez donné de respect tendre, j’allais presque dire de culte. Et en publiant ce qu’elle a laissé, vous avez donné au public une bonne lecture, saine et douce. Ce sont aujourd’hui des mérites rares.
J’en ai lu une bonne partie le soir, à mes filles. C’est une épreuve que bien peu de livres supportent.
Ne comptez-vous pas venir passer cet hiver un peu plus de temps à Paris ? Nous aurons besoins de vous à l’Académie. Les idées me paraissent encore bien flottantes sur le choix que nous avons à faire. J’espère que nous nous entendrons d’avance. Je retourne à Paris vendredi prochain. Je ne m’y promets pas d’autre plaisir que celui de causer avec mes amis. Mais celui-là est réel, et je me permets de vous mettre du nombre. Croyez, je vous prie, à mes bien sincères sentiments de profonde et affectueuse estime.
Guizot
Je m’attendais à l’avortement du procès2 de M. de Montalembert. J’en suis fort aise. Il n’a pas besoin de ce bruit.
1Domaine, proche de Lisieux (Calvados), appartenant à François Guizot.
2Suite à la publication de son article Pie IX et la France en 1849 et 1859 dans le Correspondant du 25 octobre 1859, la revue reçut un avertissement et Montalembert fut sommé de s'expliquer devant un juge d'instruction. Mais le 23 décembre 1859, Montalembert bénéficia d'une ordonnance de non lieu.
