CECI n'est pas EXECUTE 2 avril 1865

Année 1865 |

2 avril 1865

Marin de Livonnières à Alfred de Falloux

Amélie les bains, Pyrénées orientales, Hôtel Martinet, 2 avril 1865

Mon bien cher ami,

Dans les moments bien rares où j’aurais pu tenir une plume, depuis deux mois, j’ai eu la pensée de vous écrire, je craignais autrement qu’il ne vous arrivât une mauvaise nouvelle avant que j’ai occupé ce devoir suprême de l’amitié ; d’un autre côté, je craignais d’ajouter une affliction à toutes vos souffrances puisqu’il y avait toujours quelques lueurs d’espoir. Aujourd’hui votre lettre m’appelle à vous répondre, je profite d’un instant de force pour le faire.

Je suis bien malade, mon cher ami, ma vie est entre les mains de Dieu dans le sens le plus absolu du monde. Cette lettre est un adieu. Adieu ! mon cher ami, je vous remercie de m’avoir honoré de votre amitié ici-bas, il m’est rien arrivé qui m’ait rendu plus heureux et plus fier je ne le regrette à aucun point de vue, car près de vous, je me suis senti porter au bien, ce n’est que mon amour-propre seul qui a été flatté. Continuez à consacrer à la défense de la cause la plus sacrée de toute les facultés de votre grand esprit. Un jour vous arriverait les mains pleines là où je vais me présenter bien pauvre, bien dénué de titres à la miséricorde divine. Priez pour moi : recommandez-moi bien aux prières de Madame de Falloux et de Madame Caradeuc. Veuillez remercier ces dames en mon nom de leur inépuisable bonté pour moi. Si plus tard les circonstances le permettaient Mademoiselle Loyde voudrait-elle bien accorder à mes filles une part dans sa bienveillante amitié.

Adieu ! Mon bien cher ami, voudrez-vous dire adieu pour moi à tous nos amis communs et notamment à Arthur1 que je nomme seul parce que plus près de moi que les autres, il aurait pu croire que je l’oubliais, je n’ai pu écrire à personne.

Adieu encore une fois, mon bien cher ami, nous nous verrons je l’espère dans le ciel.

À vous de tout cœur et de toute âme.

Marin de Livonnière2

Priez pour moi.

Rien ne peut donner idée de l’admirable dévouement de ma pauvre femme et aussi hélas ! de son désespoir.

1Arthur de Cumont vraisemblablement.

2Pocquet de Livonnières, Marin Pierre Clément (1820-1865). Collaborateur à L’Union de l’Ouest de 1857 à 1858 où il soutint contre Veuillot une polémique sur la question des classiques dont la vivacité contraste avec le ton ordinaire de ses écrits. On a de lui Petits et grands (1860) précédé d’une lettre de Falloux dont il avait été longtemps le secrétaire et Un philosophe (1865).


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «2 avril 1865», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1865,mis à jour le : 02/08/2022