CECI n'est pas EXECUTE 18 août 1866

Année 1866 |

18 août 1866

Adolphe Le Flô à Alfred de Falloux

La Néchoat près Morlaix1, 18 août 1866

Monsieur et cher ancien collègue,

J’aurais voulu répondre tout de suite, malgré votre obligeante défense, à la lettre si affectueuse que vous avez eu la bonté de m’écrire au moment de l’irréparable malheur qui m’a frappé ; mais je ne m’en trouvais pas la force. Aujourd’hui, plus maître de moi sans être, hélas ! plus courageux, je viens vous dire combien j’ai été profondément touché de votre bienveillante sympathie.

Dieu m’a envoyé l’épreuve la plus cruelle qui pût m’atteindre; je me courbe devant ses mystérieux desseins ; mais mon cœur et celui de la pauvre mère de mon enfant sont déchirés. Nous avions confondu, tous les deux, notre vie dans la vie de ce fils, que Dieu s’était plu à combler des plus charmantes et plus touchantes qualités. J’espère qu’il nous fera la grâce de le retrouver dans un monde meilleur ; c’est toute notre consolation. Il nous reste, il est vrai, deux enfants bien dignes de toute notre tendresse ; mais, comme les pauvres amputés qui souffrent toujours, dit-on, du membre qu’ils ont perdu, nous souffrons aussi et seulement du cher objet de nos attentions qui n’est plus.

Nous avons reçu, à cette douloureuse occasion, bien des témoignages d’affectueuse sympathie ; aucun ne nous a plus touché et plus ému que le vôtre; je tenais à vous en dire toute notre reconnaissance.

Si en dehors du monde extérieur que ce triste événement m’ait placé, il m’a été impossible de ne pas suivre avec un vif intérêt et une véritable anxiété les diverses phases de votre récente candidature2. Nous vivons en un temps où les tristesses s’accumulent sur les honnêtes gens ; il m’est impossible cependant de désespérer tout à fait de l’avenir et surtout de la Providence. Ces symptômes semblent certainement alarmants; mais les orages ont beau s’amonceler, il ne faut qu’un rayon de soleil pour les dissiper. C’est Dieu qui sera ce rayon, si nous savons toujours nous aider nous-mêmes. Je suis de ceux qui se plaisent à vous tenir pour un de nos plus illustres chefs ; comptez toujours sur moi.

Permettez-moi de vous prier de faire agréer à Madame la comtesse de Falloux les plus respectueux hommages, et veuillez recevoir vous-même, monsieur et bien cher ancien collègue, l’expression de mon vif et inaltérable attachement.

Le Flô

1Ville du Finistère.

2Falloux, alors en pleine campagne électorale pour un siège dans la circonscription de Baugé-Segré, laissée vacante après le décès de Bucher de Chauvigné.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «18 août 1866», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1866,mis à jour le : 25/08/2022