1871 |
4 mai 1871
Noël-Marie-Victor Du Parc à Alfred de Falloux
Tours, 4 mai 1871
Monsieur le comte,
Permettez-moi de m’autoriser de mes souvenirs bien anciens, mais toujours présents de Vérone et de Rome, pour vous, exprimer le regret de ne pas vous voir siéger parmi les représentants du pays.
J’étais en Vendée, peu après les dernières élections de l’empire, et j’ai pu constater l’importance que les électeurs les plus honorables avaient attachés, avec raison, à votre candidature. Alors cependant vous n’auriez pu obtenir, dans une chambre sans indépendance, la part d’influence, qu’une assemblée librement élue vous accorderait sans nul doute.
Il ne vous a pas échappé que dans cette assemblée, la majorité parfois incertaine, tend à se diviser, faute d’une direction suffisamment autorisée. Si Berryer vivait, son expérience parlementaire et son immense talent auraient compris ce grave danger ; mais Berryer n’est plus ; or, je ne vois que vous, permettez-moi de vous le dire, qui puissiez rendre sa perte moins sensible. Vous seul, par la variété de vos travaux et de vos études, par les souvenirs de votre ministère, de vos succès de tribune, et de votre conduite énergique dans des temps difficiles, pouvez parler à tous les intérêts, à tous les hommes de talent et de cœur dont la sympathie vous assurerait la confiance.
Souffrez donc que par le moins envié des privilèges, celui des années, je me fasse auprès de vous l’organe de toutes les personnes qui vous verraient avec bonheur, profiter de la circonstance des sièges vacants, pour poser cette fois votre candidature. Si votre santé seule vous en avait empêché jusqu’ici, je le déplorerais sans doute, mais sans cesser d’espérer une saison plus douce, des ménagements toujours possibles, vous permettraient du moins de prêter à la majorité des représentants l’appui de votre présence et de vos conseils. Notre pauvre France est bien malheureuse ; aux prises avec les passions perverses et aveugles du dedans, avec les jalousies et les rancunes insatiables du dehors, elle ne peut être préservée du sort de la Pologne que par l’accord de tous les gens de bien ; or comment un accord serait-il possible, si les hommes d’État les plus capable de l’obtenir et d’en tirer parti, se récusent ou s’abstiennent.
Veuillez, Monsieur le comte, excusez la démarche que je prends la liberté de faire auprès de vous en faveur des sentiments de vive sympathie et de profonde estime qui me l’ont inspirée.
Le comte de Locmaria (Noël-Marie-Victor Du Parc)1
1Noël-Marie-Victor Du Parc (1781-1888). historien, auteur de plusieurs ouvrages notamment des Souvenirs des voyages du Cte de Chambord en Italie, en Allemagne, en Autriche, de 1839 à 1843, Librairie Saint-Germain-des-Prés - Putois-Cretté, libraire-éditeur, Paris, 1872, 435 p.