CECI n'est pas EXECUTE 30 décembre 1873

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30 décembre 1873

Elme Caro à Alfred de Falloux

Paris, 9 rue Thénard, 30 décembre 1873

Monsieur et très honoré confrère,

La haute surveillance que vous avez bien voulu témoigner m’autorise à vous faire connaître les derniers incidents de la lutte académique qui a commencé à vrai dire, depuis le retour de M. Guizot à Paris.

Les amis de M. Taine1 ont fixé leur choix et le sien sur le fauteuil de M. Saint-Marc Girardin2. C’est aussi celui que mes amis m’avaient engagé à désigner dans ma lettre à l’académie. Me voici donc engagé dans une concurrence directe avec M. Taine dont j’ai combattu les doctrines toute ma vie, et dans un antagonisme avec l’influence personnelle de M. Guizot.

Je ne désespère pas de l’issue de la bataille, bien au contraire, si toutes les voix dévouées au spiritualisme chrétien me font l’honneur de me choisir pour leur candidat.

Si j’étais battu et si je tombais avec la noble cause que mon nom aurait eu l’honneur de représenter, il resterait aux partisans de ma candidature la ressource de la reporter sur le troisième fauteuil, celui de M. Vitet et d’obtenir ainsi un succès de compensation à défaut d’un succès meilleur et plus direct.

Plusieurs de nos amis communs compte agir dans ce sens, et si le groupe qui doit s’opposer à la candidature de M. Taine de s’entendre sur mon nom, quelques voix qui me sont personnellement promises se joindraient à ce groupe et le succès deviendrait possible.

On semble croire généralement que c’est mon nom qui aurait le plus de chances d’être opposé utilement à celui de M. Taine. Je serais bien heureux, Monsieur le comte, si vous en jugiez ainsi.

Daigniez agréer, Monsieur et très honoré confrère, l’hommage de mes sentiments respectueusement dévoués.

E. Caro

 

1Taine Hyppolite Adolphe (1828-1893), essayiste et historien. Auteur d'un Essai sur Tite-Live couronné par l'Académie française en 1854, il avait publié deux ans plus tard Les Philosophes français du XIXe siècle, ouvrage dans lequel il critiquait la philosophie spiritualiste enseignée par l'Université. Son œuvre la plus importante demeure ses Origines de la France contemporaine qu'il commença à publier en 1876. Il collabora à plusieurs périodiques dont la Revue des deux Mondes et le Journal des Débats. Candidat à l'Académie française en 1874, il avait été battu par Elme Caro, ses idées philosophiques déplaisant à Mgr Dupanloup et à certains de ses proches. Considéré peu à peu par ceux-ci comme étant « anti-révolutionnaire », Taine sera élu le 14 novembre 1878 en remplacement de Louis de Loménie. Mort peu avant son élection, Mgr Dupanloup aurait même songé à lui apporter sa voix.

2Marc Girardin, dit Saint-Marc Girardin (1801-1873), professeur, écrivain et homme politique. Député sous la monarchie de Juillet (1834) sous la Seconde république, en 1848, il avait été élu à l'Assemblée nationale du 8 février 1871. Conseiller d'état, il fut ministre de l'Instruction publique sous la monarchie de Juillet, de 1845 à 1848. Collaborateur de la Revue des deux mondes, il était membre de l'Académie française depuis 1844.


 


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «30 décembre 1873», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1873,mis à jour le : 31/10/2022