Année 1862 |
Février 1862
Alfred de Falloux à Jules de Bertou
Samedi, Février 1862
Cher ami,
J'étais en si mauvais train jeudi soir et vendredi matin que vous m'auriez pardonner toutes mes maussaderies Je les encore expiés en chemin de fer où j'ai beaucoup souffert. Je suis arrivé de Paris à Rennes les yeux fermés et la bouche de même. Le matin je me dispose à bien déjeuner. Aussi je vous revois comme un vivant et vous annonce que le pauvre archevêque de Rennes1 retombe dans ses vieux péchés. J'étais attendu à la gare par deux amis qu'il avait chargé de me dire son préfet regret de ne pouvoir me voir, qu'en tout autre circonstance il s'en ferait une grande fête mais que la veille et le matin il avait reçu des dépêches du gouvernement qui ne lui laissaient vraiment aucune liberté; que mon voyage lui était signalé d'avance comme tout politique et n'ayant d'autre but que d'organiser la résistance contre l'abbé David2, que lui-même archevêque ne pouvait pas rompre toute mesure avec M. David et devait se ménager le droit d'exercer une heureuse influence sur lui pour le cas où Rome ratifierait sa nomination. Enfin en signe de ses bons sentiments pour moi et en démonstration de son courage l'archevêque avait remis aux deux messagers, pour m'être offert, un exemplaire d'une petite brochure de lui sur un démêlé local.
J'étais si malade hier en arrivant que j'ai écouté toute cette ambassade en marchant à grands pas de la gare vers mon lit et j'ai tout ajourné aujourd'hui sans avoir demandé si l'archevêque réclamait le secret. Je suis convaincu que non, tant le sens moral lui manque à lui-même pour apprécier sa propre conduite. En tout cas je me crois pleinement autorisé à en parler par votre entremise aux quelques amis qui sont déjà au courant des antécédents. Je vais maintenant causer avec les laïcs qui ont organisé une petite réunion pour midi et de là à Caradeuc d'où je vous écrirai de nouveau.
Mille tendresses. Alfred.