CECI n'est pas EXECUTE 9 octobre 1872

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9 octobre 1872

Clothilde de La Ferté-Meung à Alfred de Falloux

Paris, le 9 octobre 1872

Cher Monsieur, je dois sans doute à votre amitié d’accueil si bienveillant et si aimable que j’ai reçu de Mgr de Falloux. Je l’ai rencontré chez les Montessuy1, et il a eu la grande bonté ensuite de venir chez moi, il m’a donné de vos nouvelles, de celles des habitants de Rochecotte et puis nous avons causé bien tristement ! Hélas ! Tout s’écroule et tout menace ruine ! Nul ne paraît pour nous sauver. Nous nous sommes affligés des grandes épreuves de l’Église, mais là avec la foi de et l’espérance qu’il sait si bien garder et faire partager. En effet, les grandes manifestations religieuses, ces étonnants pèlerinages dont nul n’a été le promoteur, mais qui se lèvent de toutes parts, il y a bien là, des signes providentiels, des signes de salut et la lutte existe entre le bien et le mal, qu’on laisse depuis si longtemps accomplir ses œuvres d’iniquité. (Ici et pour la France, nous semblons toucher aux grandes catastrophes. Monsieur Thiers abandonné par Gambetta (qui lui-même poussé par son parti, a jeté le masque) est troublé et ne trouve même plus guère un point d’appui factice. L’assemblée a encore une occasion de se montrer vivant et de rassurer le pays. Si elle met ce Gambetta en accusation, si elle lui retire ses droits politiques, elle inspirera confiance et se relèvera. L’inertie nous perd. Hélas ! Cette majorité d’honnêtes gens engourdis, n’a pas de chef! Que n’êtes-vous là, cher Monsieur ! L’assemblée après un coup de vigueur pourrait contraindre Monsieur Thiers à prendre des ministres dans les rangs des conservateurs et rompre les liens qui l’enlacent aux hommes du 4 septembre. On ne pense pas à l’Europe, or, voici ce que je crois savoir de source certaine d’une conversation que Monsieur d’Arnim2 a eue avec une personne amie de Monsieur Thiers et dans son salon. « Tant que ces gens-là dureront, a-t-il dit, la République pourra durer.

Après lui, non. Si Gambetta ou son équivalent succède, l’invasion immédiate, la France deviendra ce qu’elle pourra. Mais quel gouvernement voulez-vous donc pour elle, lui a-t-on répondu ? Le comte de Chambord eut été notre préférence, mais il est impossible. Les d’Orléans non jamais, tous les trônes seraient menacés par leur branche cadette ! Eh bien ! Vous voulez donc ramener l’Empire ? Nous ne le voulons pas, mais il est inévitable. Il est à désirer que Monsieur Thiers dure quelques années et que le jeune prince impérial puisse régner ». Je vous avoue, cher Monsieur, que ce récit m’a fait frémir. Si nous étions sages, la Russie et l’Autriche seraient bien mieux disposés pour nous ! Que pensez-vous de notre cruelle situation, et comment pourrait-elle se dénouer ? Il n’y a plus de partie orléaniste. Je suis à Paris en passant, tandis que mon mari3 est au loin chez sa tante, la duchesse de Levis4, car il aura le regret d’avoir perdu l’occasion de faire connaissance avec Mgr de Falloux. S’il savait que je vous écris, il me donnerait bien des commissions pour vous. Nous retournerons au Marais pour y rester jusqu’à la fin de novembre époque à laquelle nous irons à Champlâtreux. Nous reviendrons à Paris après Noël. Et vous, cher Monsieur avons nous de l’espoir de vous retrouver à Paris, nous le désirons vivement. On parle projets par une ancienne habitude et comme si on avait un lendemain!

Je vous renouvelle toutes les assurances de mes affectueuses sentiments.

Molé, Mise de La Ferté Meung

1Peut-être Montessuy, Jean-François (1801-1876), peintre.

2Harry von Arnim (1824-1881), diplomate, ambassadeur d’Allemagne à Paris.

3Fernand de La Ferté-Meung (105-1884).

4?


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «9 octobre 1872», correspondance-falloux [En ligne], 1872, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 22/11/2022