CECI n'est pas EXECUTE 27 juin 1879

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27 juin 1879

Sigismond de Lévis-Mirepoix à Alfred de Falloux

Le 27 juin 1879,

Cher ami,

Vous êtes mille fois aimable, comme toujours de vous souvenir de nos intéressantes réunions du printemps, chez nous. Merci de me les rappeler ce que j’allais faire moi-même, quand j’ai été prévenu par votre lettre si affectueuse du 24 ; elles ont été pour moi, le complément de celles, dont j’avais pris une petite part, rue de l’université, bonnes et profitables à tous ; on continue à en parler, depuis vous, à Paris, où je suis passé, la semaine dernière, on peut dire, la Grande semaine dans l’ordre politique, par ce coup de tonnerre, grand avertissement de la Providence, qui a frappé de stupeur autant que de compassion, au lendemain de cette journée triste et mémorable qui semble avoir rétabli chez nous, le régime de la convention, c’est-à-dire le gouvernement d’une assemblée unique qui s’est mise au dessus de tous les droits, ce qui est encore pour moi, beaucoup plus effrayant, que la rentrée des chambres à Paris. Dieu a voulu nous tracer la voie pour nous réunir, en en écartant un des obstacles principaux ; mais en profitera-t-on, ou laissera-t-on à nos adversaires le temps de se rallier sur un terrain meilleur, disent-ils, pour l’avenir. Le prince Napoléon Jérôme1 consentant, bien entendu, aujourd’hui chef de la maison, avec deux cartes à jouer, en ses mains, celle démocratique, qu’il jouera par lui-même, la carte monarchique par celles de son jeune fils ? Mais dans le présent, nous pouvons peut-être, trouver une occasion de le prévenir, comme vous le dites, par l’armée, où nous gagnons beaucoup, si nous savons apporter, à propos, cet esprit de conciliation, si nécessaire dans la vie politique, et dont vous êtes un organe si puissant, mais quelle autorité, ira l’imposer, loin de nous pour plaider, cette cause de salut public, on peut le dire ?

Vos prévisions sur la loi Ferry se réalisent, et nous avons tout lieu d’espérer de plus en plus, le bénéfice du temps, notre seul objectif, dans le présent, sur cette question. Vous devez être content à ce sujet de la lettre d’Albert de Mun, c’est déjà un des bons résultats de vos réunions du printemps.

J’ai revu en passant à Paris quelques-uns de vos amis, qui m’ont donné de vos nouvelles. On a pu transporter à Maintenon le pauvre duc de Noailles, toujours bien malade. Les Chaulnes vont mieux, surtout Sophie2, je crains que Paul3 ne soit bien gravement atteint, et enfin nous voici tout à fait rétablis à Montigny4, ayant pris part à toutes nos processions religieuses, qui se sont accomplies, comme par le passé avec, peut-être, un plus grand concours de monde ; nous avons avec nous une partie de nos enfants les Felix5 avec leur gentille petite suite, bien reconnaissants de votre souvenir ; les Adrien que vous gâtez, au moins, mon fils, suivent en ce moment les Beaufort6 en basse Normandie ; et les Gaston7 restent un peu encore, chez eux, dans le Nord.

Nous finirons notre saison de campagne par le département de la Sarthe et l’Orne, en donnant une part au Bourg d’Iré où ma femme sera toute heureuse de rentrer, pour le lieu en lui-même, qu’elle aime et par le souvenir du passé dont elle aimera à parler à ceux qu’elle y retrouvera. Veuillez leur parler de nous, en y ajoutant en hommage le plus respectueux, et croire cher ami, et très cher pensionnaire, nom qu’il nous plaît de vous garder, pour que vous en usiez et que vous trouviez chez nous un terrain toujours à votre disposition pour y rallier nos amis communs en grand nombre, et ceux dont vous n’êtes séparés que par des nuances, qui s’effacent quand on vous voit, il faudrait que cela fut plus souvent. Veuillez croire, dis-je, à mes plus dévoués et affectueux sentiments.

Sigismond de Lévis-Mirepoix

Nous allons commencer à lire les lettres de la duchesse d’Aiguillon8 que vous nous avez recommandées, pour finir nos soirées d’été. Hier nous avons lu le discours de M. Saruy qui a dû vous satisfaire, jeune républicain très honnête, camarade du collège Stanislas de mon fils aîné, plein de talents et bons sentiments. Nous le voyons, le lundi de la Pentecôte communier en la chapelle de Monseigneur de Ségur, le Saint Esprit l’a bien inspiré.

 1Napoléon Bonaparte, dit Napoléon (Jérôme), dit Plon-Plon, (1822-1891), cousin germain de Napoléon III. Représentant de l’aile radicale du bonapartisme, il avait siégé avec l’extrême gauche sous la Seconde République

2Chaulnes, Marie-Bernardine Blanche Sophie (1852-1882), duchesse, fille du prince Augustin Galitzin mariée en 1875 à Paul d'Albert de Luynes, duc de Chaulnes (1852-1881).

3Paul d'Albert, duc de Luynes, duc de Chaulnes (1852-1881).

4Château de Montigny-le-Gannelon, proprité des Lévis de Mirepoix dans l’Eure-et-Loir.

5Félix Adrien Lévis de Mirepoix (1846-1928), fils de Sigismond, il a épousé, en 1872, Marthe Pruvost de Saulty avec laquelle ils ont déjà quatre enfants. Maire d’Origny-le-Roux (Orne), il sera élu député conservateur de ce département en 1885, siège qu’il conservera jusqu’en 1910/

6Adrien François Guy Lévis de Mirepoix (1849-1931) marié depuis 1874 avec Isabelle de Beaufort (1849-1937).

7Gaston Lévis de Mirepoix (1844-1924), propriétaire. Marié depuis 1867 avec Marie-Thérèse d'Hinnisdäl (1844 – 1934), sans enfant.

8Marie-Madeleine de Vignerot de Pontcourlay (1604-1675), femme de lettres, marquise de Combalet et dame de Bonnevaux après son mariage avec Antoine de Beauvoir en 1620, elle devient duchesse d’Aiguillon à partir de 1638.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «27 juin 1879», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1879,mis à jour le : 27/11/2022