CECI n'est pas EXECUTE 12 juin 1880

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12 juin 1880

Imbert Goulbeyre à Alfred de Falloux

Royat1, 12 juin 1880

Monsieur le Comte

Vous croiriez le Docteur Imbert fort en blâme, s’il vous ne vous adressait pas ses chaleureuses félicitations au sujet de votre dernier discours2. J’ai tenu à vous les faire tardives pour ne pas les laisser inaperçues au milieu du concert général.

Je vous ai entendu raconter que lors de votre premier discours d’après 48, Montalembert vous dit : oportat te criscere, me autem minui et à ce sujet, je veux vous raconter une histoire que vous ignorez peut-être. C’est qu’alors le grand orateur pris à votre endroit d’un sublime accès de jalousie mouvement qui atteint même les immortels. Il le poussa jusqu’aux pleurs comme s’il allait perdre le premier rang, oubliant qu’on peut ce contenter d’être Primus inter pares. Bref, le témoin de ces larmes qui furent versées sur le Quai d’Orsay, fut obligé de le consoler : le rôle était facile. Je tiens le fait de l’ange consolateur lui-même, seul témoin de cette scène intime qui vous honore, sans diminuer le moins du monde votre éminent rival.

Permettez-moi, Monsieur le comte, de vous dire que j’ai été fort heureux de vous revoir à Paris en avril dernier. Toutefois, nous avons été en désaccord sur trois points, et vous m’avez presque jeté à la rivière, avec votre Joseph, faux miraculé de Lourdes.

Je néglige mon ami Veuillot, le Roi même, pour revenir sur la stigmatisation de la Fraudais3. Il vous a été dit que Mgr de Nantes4 avait fait une enquête et que Marie Julie5 été une farceuse. On vous a induit en erreur sur les deux points. L’évêque du lieu pratique en cette affaire le principe absolu de non intervention. Ce fait de stigmatisation est l’un des plus remarquables que j’aie vu. Possédant tout le dossier de la Fraudais, y ayant fait trois voyages, et j’espère y retourner encore, je déclare en mon opinion laïque non obligatoire que Marie Julie évolue en plein surnaturel divin, me ralliant complètement à l’opinion de l’ancien l’évêque.

Voilà un fait bien extraordinaire qui se passe à sept ou huit heures de votre grand château blanc que j’ai aperçu après Segré. Cela vaut une visite en compagnie de Monsieur de Rességuier qui a vu Marie de Moerl. Expert cré Imberto. Les gens d’élite catholique y affluent de bien des endroits divers. Je souhaite que vous alliez,comme Saint-Thomas, mettre le doigt dans ces plaies, et vous ne serez plus incrédule.

Je fais ce vœu, en vous envoyant, Monsieur le comte, mes meilleurs respects.

Dr Imbert Goulbeyre

1Station thermale du Puy-de-Dome.

2Le 27 mai 1880, Falloux était venu à Paris où il avait prononcé, rue de Grenelle, un important discours dans lequel il faisait part de ses vives inquiétudes sur l'avenir de la religion catholique et fustigeait les menaces pesant sur l’Église.

3La Fraudais-en-Blain, près de Nantes.

4Mgr Félix Fournier (1803-1877), évêque de Nantes de 1870 à sa mort.

5Marie-Julie Jahenny (1850-1941), mystique catholique.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «12 juin 1880», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1880,mis à jour le : 01/12/2022