CECI n'est pas EXECUTE 27 décembre 1885

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27 décembre 1885

Hilaire de Lacombe à Alfred de Falloux

Orléans 27 décembre 1885

Bien cher ami, qu'il y a longtemps que je vous ai écrit! Je me le reproche sans cesse en mêlant à mes reproches toutes sortes de pensées fidèles et tendres. J’aurais espéré que vous étiez à Rochecotte et qu'un signal de Madame de Castellane m’y appellerait pour joindre au plaisir de vous voir celui de lui présenter mes hommages. Je pense que vous n'avez pas quitté Angers. Si vous allez à Rochecotte dans le courant de janvier j'irai vous y retrouver sinon j'irai passer quelques heures avec vous à Angers. Mon cœur a le besoin de vous voir; et en attendant pour cette année qui finit et pour celle qui commence il vous envoie tout ce qu'une amitié de cette année, si profondément mêlée à un trophée et à un deuil et qui dépose en moi de tendresse de vœux d'affectueuse admiration. Je voulais parler de Rome, de Monseigneur Thomas1, des affaires de l’Église lorsque je suis tout saisi et consterné par la lecture des pages2 du Correspondant sur M. Berryer. L'auteur de ces pages <mot illisible> de donner la même morale en avant ses mobiles honteux qui le poussent et il justifie en Berryer d'avoir fleuré en lui ce qu'il valait. Mais là où est l'indignité, l’infamie, le crime, c'est que des pages pareilles aient pu paraître dans le Correspondant dont Monsieur Berryer a été le défenseur et dont il a personnifié la ligne politique avec un sublime éclat. C'est vous-même, c'est Monsieur de Broglie, ce sont tous les royalistes modérés qui sont atteints au cœur, ceux surtout qui ont aimé monsieur Berryer. Que faut-il faire? Si vous qui après avoir été le premier des lieutenants de Monsieur Berryer, avait été son successeur à la tête du parti monarchique, si vous qui lui avez fermé les yeux et lui avait adressé en notre nom à tous l'adieu de la reconnaissance vous voulez lever une protestation j'accourrai auprès de vous si vous le désirez. L'article de mon frère3 ne roule que sur l'enfance de Monsieur Berryer, il ne peut donc toucher en lieu à ces accusations de lâcheté, de jalousie, de vie inutile, etc. Si vous préférez garder le silence quelle forme de protestation conseilleriez vous? Un article où la dixième partie de ces infamies serait dite sur M. Veuillot, le cardinal Pie ou tel autre aurait pu paraître dans le Correspondant. L'abbé Maynard4 n'a rien écrit qui égale cette turpitude. Il est temps vraiment pour notre honneur de mettre un terme à ces procédés que la plus effroyable légèreté n'excuse pas. Je n'ai pas été content de la lettre de Mgr Perraud5 ni de ce qu'elle fait craindre à Rome pour la lettre de Monseigneur Thomas. Je vous verrai où vous écrirez bientôt; je vous redis les souvenirs et veux les plus tendre.

Hil. Lacombe 

 

 

1Mgr Thomas, Léon Paul Charles (1824-1894), évêque de Poitiers depuis 1867. Il avait été promu archevêque de Rouen le 24 mars 1884. Il était proche des catholiques libéraux.

2Il s’agit d’un article de Pontmartin sur Berryer.

4Maynard Michel Ulysse (1814-1893), chanoine de Poitiers. Il s’était lié d'amitié avec Mgr Pie et les frères Veuillot. Il était entré à la fin de l'année 1883 à L'Univers.

5Mgr Perraud Adolphe Louis Albert (1828-1906), prélat. Prêtre de l'Oratoire de France en 1855, professeur d'histoire de l’Église à la Sorbonne en 1865, il fut nommé évêque d'Autun en 1874, puis cardinal en 1893.Normalien de la promotion, Sarcey, Taine, Weiss, il fut l'auteur de plusieurs ouvrages religieux, l'Histoire de l'Oratoire en France au XVIIIe et au XIXesiècle, de plusieurs études sur le cardinal de Richelieu, le Père Gratry, d'oraisons funèbres et de panégyriques. Il fut élu à l'Académie le 8 juin 1882 en remplacement d'Auguste Barbier qui avait exprimé, avant de mourir, le désir de l'avoir pour successeur, et reçu le 19 avril 1883 par Camille Rousset. Lorsque S. E. le cardinal Perraud arriva au conclave de 1903 qui suivit la mort du pape Léon XIII, le cardinal camerlingue le complimenta et le félicita d'appartenir à l'Académie française.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «27 décembre 1885», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, 1885,mis à jour le : 06/11/2023