CECI n'est pas EXECUTE 24 septembre 1854

Année 1854 |

24 septembre 1854

Ludovic Vitet à Alfred de Falloux

Argentières1, 24 septembre 1854

Mon cher ancien collègue et bientôt confrère2, vous me demandez mon avis, il me serait bien plus facile de vous donner ma voix. Il est vrai que le cadeau serait mince, ce serait vous donner ce que vous auriez quoi que vous fassiez. Comptez sur moi, voilà toujours quelque chose de certain.

Mais cela ne vous suffit pas. Ce n’est pas même assez de pouvoir vous répondre de quelques voix aussi sûres que la mienne ; vous les connaissez comme moi. Ce qui importe c’est de descendre à la seconde <mot illisible> et de voir si les paroles sont des engagements. Pour cela je suis mal placé. Le malheur que j’ai eu de perdre mon père il y a bientôt deux mois, les soins qu réclame ma mère, et l’impossibilité de la quitter m’ont tenu loin de tout et de tout le monde. Je ne suis point allé à Champlatreux et ne sais quand j’y pourrais aller. Ce n’est pas là d’ailleurs qu’il y aura à s’enquérir

La place est mûre pour vous. Ce serait d’une autre place qu’il faudra avoir des nouvelles, voir même aussi de la Sorbonne. Les renseignements que vous me dites avoir reçu peuvent bien avoir une certaine unité. On m’a dit que la Sorbonne voulait absolument pour cette fois non seulement un homme de lettres mais un homme de vers, et que les Causeries de Lucrèce3 lui tenaient fort au cœur. Devons-nous voir dans cet amour de la rime et de l’alexandrin un subterfuge, un prétexte de vous ajourner aujourd’hui, pour mieux vous revoter demain ? Je ne le crois pas. Ce serait pousser la perspicacité trop loin. Il y a là de vous moitié sincérité pour le moins. On désire vraiment un poète , et on n’est pas faché de pouvoir de même coup, éviter l’embarras de se prononcer pour vous. Si vous preniez le parti de ne pas mettre votre monde au pied du mur il faudrait au moins en tirer une promesse plus nette et plus catégorique pour l’avenir. Mon avis serait donc sinon d’entrer en campagne du moins d’armer à toute fin. Quelque chose d’Autrichien dans la conduite. Voilà le plan que je vous conseille. Je crois bien qu’en définitive le plus prudent sera de s’abstenir cette fois, mais que votre abstention vous rapporte quelque chose et que nous ayons meilleure et plus forte certitude de vous avoir prochainement parmi nous.

Moi aussi j’aimerais bien à vous aller porter plus à fond de tout cela en admirant toutes vos merveilles, mais ce sera des pensées qu’il me faut ajourner. Ce qui ne souffrait pas de retard c’était mon désir de vous redire encore qu’avec moi tout au moins vous pouvez défier le temps, ce qui ne m’empêche pas de le trouver très long quand je suis privé de vous voir.

Bien à vous.

Vitet

1Commune de Seine-et-Marne.

2Falloux est alors désireux de rentrer à l’Académie fraçaise.

3Sans doute s’agit-il de François Ponsard, auteur d’une pièce de théâtre à succès intitulée Lucrèce qui sera élu avant Falloux le 25 mars 1855.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «24 septembre 1854», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Année 1854,mis à jour le : 20/03/2023