CECI n'est pas EXECUTE 9 décembre 1854

Année 1854 |

9 décembre 1854

Louis Molé à Alfred de Falloux

Champlâtreux, 9 décembre 1854, midi

Mon bien cher ancien collègue, j'ai reçu hier au soir votre petite lettre du 6 et je reçois à l'instant votre petit mot du 7. La lettre d'Albert1 dont vous m'envoyez copie est décisive. Mais la réponse que j'ai reçue aussi hier soir de Mr. Guizot aurait déjà détruit tous mes doutes s'il m'en était resté. Je sens comme vous, peut-être plus vivement que vous, ce que l’ambiguïté de la première réponse du Prince de Broglie a eu de fâcheux et je dirais même d'offensant si je n'étais convaincu que l'intention n'a jamais été de vous offenser ou désobliger. Plus je réfléchis sur la position et plus j'arrive à penser qu'elle demande beaucoup de prudence et de conduite. Je suis très loin de croire que vous ne puissiez pas avoir dans un avenir rapproché une belle et honorable revanche. Je ne saurais en dire plus par écrit. Quelques conversations bien choisies et appréciées comme vous saurez le faire seront un meilleur guide que toutes les correspondances possibles. Je joins ici la copie de la réponse que j'ai reçue de Mr. Guizot et je vous adresse à paris chez Mr de Bertou ainsi que vous me dites positivement de le faire dans votre lettre du 6. Tout à vous et pour toujours.

Molé

Paris, vendredi 8 décembre 1854 «Mon cher comte, je regrette que nous ne puissions pas causer une demie heure ; la conversation est indispensable pour vider réellement la question que vous me posez. A défaut de conversation, voici les faits et l'état actuel ds choses. Je suis arrivé il y a quinze jours, décidé à prendre et à appuyer de mon mieux Mr. de Falloux comme successeur de Mr. de Sainte-Aulaire. Je le trouvais parfaitement convenable pour l'occasion et l'occasion parfaitement convenable pour lui. Je m'en suis expliqué avec quelques personnes. Mais j'ai rencontré sur le tapis le nom du duc de Broglie ; il y avait été mis par plusieurs de nos amis, le chancelier, Villemain, Cousin, Mignet etc. j'ai dit sur le champ, comme de raison, que j'étais à lui s'il voulait être à nous. Il a passé par Paris précisément à ce moment là, retournant de G2. à Broglie. Nous en avons parlé. Il m'a dit qu'il ne se croyait point en droit de prétendre à l'académie et que de lui-même, il ne se mettrait pas sur les rangs ; mais que, si ses amis voulaient de lui, il était à leur disposition et s'en tiendrait pour très honoré. J'ai répété à nos amis ce qu'il m'avait dit. Ils en ont été d'autant plus décidés et beaucoup d'autres avec eux. Sur ces entrefaites, le chancelier m'a communiqué une lettre de Mr. de Falloux qui lui communiquait la lettre d'Albert de Broglie. J'ai écrit sur le champ au duc de Broglie pour savoir exactement son intention. Il me répond (je copie textuellement les deux phrases dans lesquelles sa lettre se résume): Je n'ai pas la présomption de prétendre à l'académie ; ce serait en effet de ma part une prétention dépourvue de tout fondement...mais ayant l'homme et le bonheur de compter dans le sein de l'académie un très grand nombre d'amis dont j'ai partagé depuis quarante ans, les sentiments et les fortunes diverses, quand ces amis me disent que par un concours de circonstances qu'il ne m'est pas donné d'apprécier mon nom et le peu de souvenirs qui s'y rattachent encore pourraient être utiles à la cause que nous avons servie ensemble, je répondrai toujours qu'aujourd'hui comme en tout temps, dans cette occasion comme dans toute autre, ils peuvent disposer de moi. » « Cette réponse, mon cher comte, ne me laisse aucune incertitude, et nos amis, à qui je l'ai communiquée, en pensent précisément de même. Tout indique que le duc de Broglie sera nommé à une grande majorité. Peu de jours après mon arrivée à paris, et avant ces derniers incidents, j'ai écrit, à ce sujet, à Mr. de Falloux. Il ne m'appartient pas de lui donner aucun conseil ; mais je crois que  dans l'intérêt de toutes nos élections futures à l'académie, il importe infiniment que la majorité qui s'y est formée depuis peu, et à laquelle nous avons dû nos derniers choix, ne se disloque pas dans cette occasion ».

Guizot

Notes

1Albert de Broglie.
2Guizot ?

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «9 décembre 1854», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, Année 1854, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 07/10/2013