CECI n'est pas EXECUTE 2 mai 1879

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2 mai 1879

Alfred de Falloux à l'abbé Couvreux

2 mai 1879*

Je suis charmé que vous vous arrêtiez à Orléans, parce que vous y réparerez au profit de Madame de Castellane et au vôtre tous mes guignons ou toutes mes sottises ; Je vais voir aussi dans quelle mesure vous êtes vindicatif. Si vous ne l’êtes pas beaucoup, vous exprimerez très particulièrement à M. l’abbé Blanchereau1 mon très sincère et très vif regret de n’avoir pu parvenir jusqu’à lui ; vous obligerez l’abbé Lagrange à vous fournir le bref de Pie IX sur la loi de 18752 ; enfin vous saurez de qui voudra bien vous le dire comment mon petit volume a été traité à Orléans. J’ai lieu de croire que pas un journal de la ville, pas même les annales religieuses n’en ont soufflé un mot, car rien ne m’a été envoyé ou indiqué par correspondance.

J’ai lieu de croire aussi qu’un certain nombre d’exemplaires qui devaient être distribués par l’éditeur, ne l’a été qu’inexactement ou même pas du tout. Comme l’ouvrage a paru d’abord dans le Correspondant qui est reçu à l’évêché et aux séminaires, je demeurerais encore étonné de ce silence absolu, mais j’aurais aussi les apparences d’un tort de mon côté et il serait juste qu’il me fut reproché. Vous vous en chargeriez.

Je ne veux pas affliger le profond libéralisme de Madame de Castellane en lui signalant la lettre du cardinal Nina3 à un Veuillotin bavarois, qui le lit dans l’Univers d’hier, mais pour vous, cher Monsieur l’abbé, qui êtes obligé par état à connaître tous les péchés en autrui, n’avez-vous pas été choqué d’une réprimande si rude et de mesures si sévères !

Est-ce un avertissement indirect donné aussi à l’Univers ou bien a-t-on voulu indiquer simplement que s’attaquer à un nonce est infiniment plus irrémissible que de s’en prendre aux évêques, aux sociétés, à la vérité et à la justice ? Il y a là une curieuse étude à faire (et peut-être la princesse Wittgenstein, si elle parle autrement qu’elle décrit, pourra-t-elle jeter quelque lumière sur une si importante question ; En tout cas, je vous interdis absolument de prononcer mon nom sur le sujet, en vertu de l’attitude pacifique que je suis désormais résolu à garder sur tout et avec tout le monde. Je supplie seulement Madame de Castellane de vouloir bien exprimer encore ma plus fidèle condoléance sur la mort du prince Bariatinski4.

On m’écrit de Paris qu’il n’y aura aucun point de scrutin académique avant l’hiver prochain ; je renonce donc à les attendre pour mon voyage de Paris et je me décide à vous arriver pour le 15 mai, si l’état passable de Madame de Caradeuc se soutient. Dans ce cas, ce serait à la rue de Grenelle, non au Bourg d'Iré que Melle de Boys5 devrait adresser son précieux manifeste ; Madame de Castellane aura-t-elle la bonté de veiller là-dessus ? Voudrait-elle aussi dire à Madame sa belle-fille6 que Jardry7 est informé qu’il ne doit lâcher aucun billet pour la réception d’Henri Martin avant d’avoir prit les ordres de la rue de Grenelle ?

Je pense beaucoup à tous les petits chérubins8, je fais mille vœux pour leur santé et je me recommande à leurs prières.

Falloux

P.S. Bien respectueux souvenir de la part de Monsieur Penaud.

 

*Archives nationales. Fonds Castellane.

1Branchereau, Louis (1819-1913), ecclésiastique demeurant alors à Orléans où il est supérieur du grand séminaire. Né à Saint-Pierre Montlimart (Maine-et-Loire), il était entré au grand séminaire d'Angers pour la théologie, après des études au collège de Combrée. Il compléta ses études théologiques par deux années à Saint-Sulpice à Paris. Ordonné prêtre en 1843, il partit enseigner la philosophie au séminaire de Clermont, puis à Issy (1850-1853), puis à Nantes où li deviendra supérieur du séminaire avant de se voir confier celui d'Orléans. Dans chacun de ces deux diocèse, il jouissait d'une grande influence. Très proche et très apprécié de Mgr Dupanloup, il publiera le Journal intime de l'évêque (Paris, Douniol, 1912).

2Loi du 12 juillet 1875 relative à la liberté de l'enseignement supérieur dite Loi Laboulaye.

3Nina, Lorenzo, Mgr (1812-1885), prélat italien. Membre de la curie romaine, il fut préfet de la Congrégation des Études, puis secrétaire d'état (1878-1880). Il avait été élevé au cardinalat en 1877.

4Alexandre Ivanovitch Bariatinski (1814-1879).

5Sans doute la fille d'Albert du Boys, (1804-1889), magistrat et historien. Nommé conseiller auditeur à la Cour en juin 1825, il avait démissionné au lendemain de la révolution de Juillet après avoir refusé de prêter serment à Louis-Philippe. Collaborateur du Correspondant, il se consacra dés lors à d'importants travaux historiques, à des études de législation criminelle et de philosophie du droit. Il s'était retiré dans son château de La Combe de Lancey, en Isère où son ami Mgr Dupanloup venait régulièrement lui rendre visite.

6Madeleine de Castellane (1847-1934), née Leclerc de Juigné ; sa belle-fille, mariée le 3 avril 1866 avec Antoine de Castellane.

7Secrétaire de Falloux.

8Boniface, Jean et Stanislas, petits-fils de Madame de Castellane.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «2 mai 1879», correspondance-falloux [En ligne], 1879, CORRESPONDANCES, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, Troisième République,mis à jour le : 25/03/2019