CECI n'est pas EXECUTE 1849

Année 1849 |

1849

Auguste Nicolas à Alfred de Falloux

 [1849]

Mon révérend ministre,

Vous trouverez à la table des deux volumes que je vous ai envoyés l'indication des passages qui peuvent se rapporter à votre question. Je ne trouve pas ces passages satisfaisants : Leibnitz en a écrit de meilleurs, je ne sais où, je veux dire de plus <mot illisible> : ceux-ci sont trop théologiques.

Pour moi voici ce que j'ai voulu dire : mon la question ne doit pas sortir du terrain de la politique générale européenne : il ne faut pas la laisser entrer sur celui de la théologie.

Or voici dans cet ordre d'idées trois propositions plutôt trois déductions qui peuvent le soutenir :

1° sans contester le principe que chaque nation a le droit de s'appartenir est être régie comme elle l'entend par un pouvoir de droit divin ou de droit de souveraineté nationale on peut dire que Rome est dans une situation exceptionnelle ; qu'elle ne s'appartient pas ; qu'elle ne peut être république romaine parce qu'elle est le siège de la république chrétienne, la capitale du monde chrétien et que le pouvoir chez elle ne peut être réglé ni par le droit divin, ni par le droit de la souveraineté du peuple ; mais par le droit européen. Elle a été constituée par le cours des événements et des siècles, dépositaire les gardiennes d'un bien commun elle ne peut en disposer toute seule. C'est là sa fonction et comme elle en a les honneurs et les grandeurs, elle doit en avoir et en garder la charge. Promenée est importante mais grande et visitée que parce qu'elle est dotée des tributs de l'Europe chrétienne. Le Vatican, Saint-Pierre de Rome sont deux monuments européens. Sous ce rapport ils appartiennent à la papauté plus qu'à Rome. On peut en dire ainsi de tout ce qui distingue Rome, de tout ce qui fait quelle est ce qu'elle est. Si elle reprend le pouvoir temporel il faut qu'elles rendent à l'Europe tout ce qu'elle en a reçu en vue de la papauté et qu'elles se réduise à n'être qu'une République de Saint-Marin.

2° Le pouvoir temporel doit être maintenu au pape comme base de l'indépendance de son pouvoir spirituel : on ne saurait selon moi avouer trop franchement et trop ouvertement ce principe et ne pas le poser comme celui de l'intervention française ou plutôt européenne dans les affaires de Rome. Alors seulement on sera fort parce qu'on sera dans le vrai. La considération qu'on a voulu sauvegarder l'indépendance romaine en prévenant l'intervention autrichienne est vrai mais d'une vérité secondaire et qui deviendrait un mensonge si on en faisait la vérité principale et unique du motif de l'intervention.

Maintenant en posant le principe de l'indépendance du pouvoir spirituel du pape il faut se hâter de dire qu'on ne s'en préoccupe pas au point de vue théologique mais au point de vue de l'intérêt européen. Qu'on soit catholique ou qu'on ne le soit pas, on ne peut méconnaître que le pape dispose chez toutes les nations chrétiennes d'un pouvoir spirituel ou moral immense et que chaque nation et l'Europe entière ne sauraient être indifférents aux conditions d'existence temporelle et intrinsèque de ce pouvoir, qu'il leur importe de lui on conserver toute sa spiritualité et tout son désintéressement et de ne pas souffrir qu'il soit à la discrétion du premier Mazzini1. Le pape père commun des fidèles n'est pas un souverain étranger, il le deviendrait où serait suspect de l'être s'il était sous la main d'un pouvoir italien alors les gallicans auraient raison.

3° En évitant ainsi le terrain théologique on peut répondre aisément à l'objection tirée de ce que le pouvoir spirituel du pape est indépendant, par lui-même et que ce serait le nier dans son divin principe que de ne le faire dater que de Charlemagne etc. etc.

voici la distinction qui répond à cela. Avant que l'Europe ne fut devenue chrétienne, le pouvoir spirituel départ avait l'indépendance de son propre isolement. Les nations n'avaient avec lui aucun de s ports qui sont devenus forcés et nécessaires par suite de leur soumission à la foi chrétienne. Leur existence se mouvait ou paraissait se mouvoir indépendamment de cette foi. Le paganisme et l’Église étaient réciproquement indépendant par leur opposition même. Mais lorsque des rapports de filiation ont commencé à s'établir entre des peuples baptisés et l’Église alors la papauté a fait sentir son action dans les affaires de l'Europe et celle-ci ses réactions dans celle de la papauté. À partir de ce moment, l'indépendance de la papauté a dû être organisée par ce que l'Europe elle-même était organisée en raison de la papauté. Le pape a été comme un père qui pour être bien avec tous ses enfants ne doit habiter chez aucun d'eux.

Je ne sais ce que je viens d'écrire quand je suis pressé. Excusez ma simplicité. Je viens porter deux fagots à la forêt.

Croyez à tout mon dévouement.

                                                                               A. Nicolas

Notes

1Mazzini Giuseppe (1805-1872), homme politique italien. Fervent républicain, combattant de l'unité italienne, il fait  partie comme Garibaldi, Victor-Emmanuel II et Cavour des « pères de la patrie ».

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «1849», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Années 1848-1851, Seconde République, Année 1849,mis à jour le : 21/03/2013