CECI n'est pas EXECUTE 25 septembre 1854

Année 1854 |

25 septembre 1854

Auguste Nicolas à Alfred de Falloux

Versailles, 25 septembre 1854

Très cher et bon ami,

Je ne puis penser à moi sans penser à vous, tant je sens ma destinée providentiellement unie à la vôtre par votre propre bienfait. C'est là mon excuse de venir de nouveau vous parler de moi, et votre obligation de m'écouter. Dans l'étrange situation que m'a faite ma retraite du ministère des cultes, je suis comme un poisson hors de l'eau. Je languis et meurs de consomption. Je me résigne à cette épreuve tant que je n'y peux rien. Mais dés que j'entrevois le plus petit jour pour en sortir naturellement je m'agite. Or, ce petit jour est venu se présenter de lui-même à mon esprit sous la forme d'une Note que je vous envoie et vous soumets. Il faudrait qu'elle fut remise à l'Empereur par quelqu'un qui s'intéressât assez à moi, et qui eut assez de crédit auprès de lui pour soutenir son attention jusqu'au bout de la note, et au besoin en faire une boulette et lui faire avaler. Ce quelqu'un là, je le cherche. Il s'est présenté à moi entre autres, sous la figure de M. de P[ersigny]. Il n'est plus aux affaires1, il est vrai, mais il n'est pas en défaveur et l'indépendance de sa position lui donnerait peut-être plus de liberté pour cette intervention. Elle se rattacherait naturellement du reste au propos que vous avez bien voulu lui tenir sans le temps à mon sujet. Qu'en dites vous ? Quel parti pourrions-nous tirer de lui directement ou indirectement ; soit que vous lui fassiez passer mes notes, soit que vous me donniez une lettre d'introduction auprès de lui pour que je la lui remette moi-même ? Je ne pousse pas plus loin l'impertinence de mon indiscrétion, et j'attends votre sentiment sur tous ces points, comme un oracle.

Je viens de passer deux mois à Versailles avec ma famille, dans un appartement charmant, sur la lisière du bois Satory. J'y ai pensé beaucoup à vous ; j'ai eu la bonne fortune même de m'en occuper avec Mme de Bertou et M. Savinien Petit2. J'étais devenu compétent, par ma connaissance des lieux si chers à mon souvenir, aux quels devait se rapporter le sujet de notre conversation ; et je me plaisais à m'y transporter, à vous y voir, à y voir Madame de Falloux, votre chère enfant, à y entrevoir même Mme de Caradeuc, et à ressentir pour ce cher monde toute la tendresse d'une amitié d'un respect et d'une reconnaissance que je ne saurais exprimer.

Votre ami

                                                                  A. Nicolas

Réponse à Paris, rue de Lachaise, 24.

Notes

1Homme de confiance de Napoléon III, V. de Persigny était sans fonction officielle depuis son départ du gouvernement en mai 1854 dans lequel il était ministre de l'Intérieur.
2Petit Savignien (1815-1878), peintre et dessinateur, il était un des membres de la Société de Saint-Jean-l'Evangéliste, fondée ne 1839. Il réalisa plusieurs décors et tableaux dans des édifices religieux parisiens (notamment les chapelles de Notre-Dame de Lorette et Notre-Dame des Victoires) et provinciaux (cathédrale de Bordeaux et en Normandie la chapelle du duc de Broglie à laquelle il était alors en train de travailler.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «25 septembre 1854», correspondance-falloux [En ligne], Année 1852-1870, Second Empire, Année 1854, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 14/09/2012