CECI n'est pas EXECUTE 31 décembre 1854

Année 1854 |

31 décembre 1854

Alfred de Falloux à Narcisse-Achille de Salvandy

31 décembre 1854*

J'ai retardé ma réponse de deux jours, mon très cher comte, par le sérieux espoirs de vous la porter moi-même; un essai de mes forces m'a prouvé mon imprudence et je rentre, bien malgré moi, dans un plus juste sentiment de mon infirmité. Ma gorge recommence à souffrir et nous n'avons pas encore eu un commencement d'hiver! Je suis habituellement résigné à cette servitude, mais elle m'a paru toute nouvelle, tant je l'ai vivement sentie, quand elles est venus se placer entre vous et moi! A de meilleurs temps!! M. Guizot et M. Pasquier ont pris l'initiative des offres bienveillantes pour l'héritage de M. Baour. M. de Montalembert arrivé pour le 27 (non pour le 20), y a joint de très vives instances, accompagnées de considérations qu'il essaiera de vous faire agréer. M. Molé m'a écrit un peu dans le même sens. J'ai vu alors M. Thiers et M. Villemain. Tous deux se sont engagés formellement, sauf des réserves de forme: M. Thiers ayant un engagement pour M. Liadières, qui ne le réclamera pas en cette occasion; M. Villemain, disant que le secrétaire perpétuel n'affiche jamais une préférence, mais que je puis vous écrire, à vous dont il m'a répété la charmante lettre, et à mes amis que je compte sur lui sans courir le risque que le scrutin me démente. Je n'ai pas encore été chez M. Cousin. Je commencerai demain par lui la série des visites de candidat officiel. Aussitôt cette tournée achevée, et elle le sera probablement avec la semaine, je repartirai pour l'Anjou où m'appellent impérieusement des travaux fort étonnés de mon absence. Puis je revendrai soit pour le 25 janvier, si je suis libre et suffisamment fort, soit pour le milieu de février, époque à laquelle Mme de Falloux et ma fille viennent à Paris pour trois mois. Si vous aviez quelque indication à me donner, j'en pourrai donc user avant ce premier départ, comme vos amis agiront ensuite sur la rapidité de mon retour. M. Molé rentre ce soir. Je dîne avec lui demain, pour mes étrennes chez le duc de Noailles.Notre courageuse amie la duchesse de Rauzan lutte contre le mal et le domine le plus souvent, mais les bulletins de M. de Blacas1 sont au contraire de plus en plus alarmants. La maladie a fait de tels progrès que les médecins avouent eux-mêmes l'inutilité de leur science. On n'ose espérer la prolongation de sa vie qu'aux dépens de son intelligence! et cela peut-il s'appeler espérer? Beaucoup d'illusions règnent encore chez le malade et autour de lui. Mme de Rauzan sait toute la vérité et je crains bien que cela n'aggrave de beaucoup son état. Hélas, hélas, qu'il est clair que ce monde-ci ne nous est prêté que pour en gagner un autre, et comment peuvent vivre et se consoler ceux qui ne prennent pas tout à ce point de vue là! Votre plus dévoué de cœur.

A. de Falloux

*Lettre publiée par Paul Bonnefon, Deux élections académiques sous le Second Empire; le comte de Falloux et le poète Jos. Autran, L'Amateur d'autographes, n°1, janv. 1911.

Notes

1Voir lettre du 22 décembre 1854.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «31 décembre 1854», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1854, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 07/10/2013