CECI n'est pas EXECUTE 15 décembre 1857

Année 1857 |

15 décembre 1857

Camille de Meaux à Alfred de Falloux

Ecotay près Montbrisson (Loire), 15 décembre 1857

Monsieur le Comte,

Depuis mon retour au fond de mes montagnes, je suis partagé entre la crainte à vous paraître ingrat et oublieux par mon silence et celle d'abuser d'un temps est une vue qu'il faut ménager à tant de titres. Mais enfin je cède au souvenir de vous compter je ne veux pas que cette année s'achève sans que votre affectueuse bienveillance soit ramenée une fois encore vers l'un des hôtes les plus reconnaissants du Bourg d'Iré. Pardonnez-moi cette égoïste; je le pousse bien, pousse plus loin encore, car je ne puis me défendre de former des vœux de cet hiver vous enlève enfin à votre cher Anjou. Hélas ! Il n'y a plus pour vous attirer à Paris la sainte et noble amie qui, si peu de jours avant de s'éteindre, était heureuse encore de m'entendre parler du Bourg d'Iré et des impressions qu'en rapportent tous ceux que leur bonne étoile y conduit. La perte de Madame Swetchine a dû vous être cruelle puisse que mieux que personne vous l'avait connue ; je l'ai regrettée pour vous de toute mon âme ; À votre tour Monsieur plaignez aussi ceux qui aspiraient à jouir encore de cette lumière et de cet appui hélas ! trop tôt disparue pour la génération nouvelle. Consolez nous, consolez tous les amis de toutes les bonnes causes en venant les retrouver. Votre invincible sérénité, votre inébranlable foi en la puissance du bien rendront courage à tous ;  n'en avons-nous pas besoin ? Mais j'oublie l'un des motifs qui vous retiennent loin de Paris ou plutôt je ne saurais oublier mon premier veux, c'est que votre santé, c'est que toutes les santés qui vous sont chères soient assez raffermies pour ne plus réclamer le repos de la campagne. La sœur Rosalie1 vous doit maintenant de l'obtenir et ne tardera pas j'espère à payer sa dette. Pour moi, je ne compte quitter le Forez que vers la fin de janvier et je pense envoyer auparavant au Correspondant un article sur la philosophie du P. Gratry. Le pays que j'habite est, je crois, l'un des plus paisibles de France ; mais nous avons dans notre voisinage d'effrayantes souffrances. Les ouvriers de Saint-Étienne de Lyon sont tous sans ouvrage et les malheureux ont dépensé follement les sommes énormes qu'ils gagnaient aux jours de prospérité. Aussi notre cardinal me disait dernièrement que jamais il n'avait vu la misère monter à cet excès. Cependant à travers une irritation aucune pensée de révolte ne se fait jour encore ; ils disent tous que le moment n'est pas venu. Mais il faut enfin que je m'arrête et ce sera en vous suppliant de ne pas me lire, de me répondre encore moins, si je dois fatiguer ces pauvres yeux. Il me suffit que vous vouliez bien mettre des hommages aux pieds de Madame de Falloux et trouver ici Monsieur le comte l'expression de mes sentiments les plus respectueux et les plus dévoués.

                                                Vte de Meaux

Notes

1Jeanne Marie Rendu, sœur Rosalie (1787-1855). Entrée à la communauté de Sait-Vincent de Paul en 1802, elle s'était consacrée aux œuvres de charité. Armand de Melun qui lui avait été présenté par Mme Swetchine fut son premier biographe, Vie de la Soeur Rosalie, fille de la Charité, Paris, Poussielgue-Rusand, 1857.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «15 décembre 1857», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1857, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 14/09/2013