Année 1860 |
31 juillet 1860
Charles de Rémusat à Alfred de Falloux
Lafitte 31 juillet [1860]
Monsieur et cher confrère,
Je suis depuis longtemps à deux cent lieues de Paris, et ce n'est qu'assez tardivement que m'y est venu joindre l'excellent écrit que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer. Excusez-moi de ne vous en avoir pas remercié plus tôt ; encore aujourd'hui je ne sais où vous prendre, et je vous écris par le circuit peut-être fort peu sûr de l'Institut.
J'ai reconnu dans votre ouvrage tout votre courage et tout votre talent. C'est un acte qu'un tel écrit, comme nous disions jadis en langage d'assemblée. Je désire que vous réussissiez dans l'utile et noble entreprise que vous avez formée.
Il resterait sans doute une véritable gloire à acquérir pour l’Église : ce serait qu'elle se montrât compatible ou plutôt réconciliée avec la liberté politique.
Pour en venir là, il y a malheureusement autre chose à vaincre de part et d'autre que des préjugés et des passions et déjà les préjugés et les passions ne sont pas un obstacle à dédaigner. Puissiez-vous en triompher ! L’œuvre est digne de vous, et personne n'a plus que vous ce qu'il faut pour y réussir.
Voilà fort longtemps que je ne vous ai vu le, et encore plus longtemps que je n'ai causé avec vous. Quoi que nous ayons jugé assez différemment les événements publics depuis quatre ou cinq ans, soyez assurés, Monsieur et cher confrère que c'est avec une vraie et sérieuse sympathie que je vous vois, du fond de ma retraite, poursuivre la généreuse tentative à laquelle vous vous êtes noblement dévoués.
Veuillez, Monsieur et cher confrère, agréer de nouveaux mes remerciements pour votre marque de souvenir et l'assurance de ma haute considération et de mon sincère dévouement.
Ch. Rémusat
