Année 1865 |
27 octobre 1865
Gustave de Beaumont à Alfred de Falloux
27 octobre 1865, Tours, 78 bis rue Royale
Mon cher ami,
Pardon mille fois, j'ai besoin de toute votre indulgence. Tout le monde a bien agi, vous d'abord; Dufaure1 et Lanjuinais2 aussi; la Poste elle-même est innocente; il n'y a de coupable que moi, qui ai le chagrin de ne pouvoir plus faire ce qui serait aujourd'hui inutile. Voici l'excuse, non la justification de mon retard: ma femme et moi sommes avec mon fils errant depuis quinze jours fuyant une épidémie de fièvre typhoïde qui sévit dans notre pauvre petit village de Beaumont; nous ne venons que de nous fixer provisoirement à Tours dans l'impossibilité d'aller à Paris, où le choléra nous fait peur. Au milieu des embarras et du décousu de cette vie de vagabonds, je n'ai pas écrit une ligne depuis quinze jours; j'ajoute qu'en pensant au comité de Nantes, j'étais tellement convaincu de l'assentiment empressé de Lanjuinais et de Dufaure, que je ne me reprochais que faiblement ce retard que j'avais cependant sur la conscience. En somme je ne vois rien à regretter; et je dirai même au contraire: il n'y a pas eu besoin d'avocat et vous avez trouvé la cause gagné d'avance. Tout est donc pour le mieux, si je puis espérer que vous me pardonnerez ma négligence, et ne me jugiez pas coutumier d'un pareil tort, je vous assure, je n'ai <mot illisible>, et que je voudrais avoir avec vous moins qu'avec personne. J'ai rapporté à Nantes de bien bonnes impressions. J'avais été heureux d'entendre; j'ai encore été plus heureux de lire. Plus je pense à la pensée (?) de ce comité3 et à son objet et plus j'applaudis. Je voudrais que le terrain politique sur lequel il se placera s'élargit le plus possible par le choix des noms propres, tout en reconnaissant la difficulté qui résulte en ce moment de quelques antipathies politiques et surtout de l'étroitesse de vues, et des implacables rancœurs des prétendus libéraux. Quoique mes souvenirs rapportés de Nantes aient été, en général, graves et touchants je vous avoue que je ne puis penser sans sourire encore aux arguments ad hominem que Vismes4 adressait à Carné5 en le criblant de blessures dont il semblait n'avoir pas conscience; c'est une des scènes les plus comiques auxquelles j'ai jamais assisté. Je ne sais pour quoi ce souvenir plaisant me vient d'une journée qui ne m'a donné que des impressions d'un autre ordre; elles été [sic] toutes solennelles et douces; et parmi celles-ci, je compte, mon cher ami, la bonne fortune que j'ai eu de vous retrouver et de revoir Mme de Falloux, de laquelle je n'aurais pas espéré d'être reconnu. Veuillez mon cher ami, lui offrir mes plus respectueux hommages et aussi un bien sincère attachement. Votre tout dévoué.