Année 1866 |
2 août 1866
Adolphe Thiers à Alfred de Falloux
Trouville1, 2 août 1866
Mon cher confrère, je regrette beaucoup votre défaite2, bien que j'en fusse convaincu d'avance. Elle accuse un triste état d'esprit chez mes amis comme chez les vôtres. J'ai fait ce que vous avez désiré bien convaincu de ne pas réussir. Le mieux eut été une double candidature, la vôtre et celle de M. Freslon. Au second tour de scrutin on aurait peut-être obtenu la réunion des voix sur un seul candidat. Mais M. Freslon était décidé à ne pas se présenter. Je crois que c'est pour des raisons privées, aussi ne lui ai-je pas écrit, parce que je le savais décidé et ayant un peu d'humeur contre moi parce que je soutenais votre candidature, je ferais moi, mon devoir d'ami de la liberté en soutenant un adversaire du despotisme, et lui en ferait pas le sien en ne faisant pas l'une des deux choses qu'indiquait la situation : se présenter ou soutenir le candidat posant. Si les libéraux et les légitimistes continuent à être aussi conciliants, il faudra attendre une génération pour voir exister la liberté. Mais il y a autre puissance qui terminera tout cela, ce sera la révolution exploitant les incommensurable fautes du pouvoir, et nous précipiterons tous dans une vraie chute de Niagara. Ce sera peut-être mon cercueil qu'elle y précipitera, car je serais mort alors, Mais vivant ou mort, elle n'y jettera un moi qu'un ami de la liberté et de la grandeur de la France. Tout à vous, mon cher confrère et ami et mille amitiés bien sincères.
A. Thiers
