CECI n'est pas EXECUTE 7 septembre 1873

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7 septembre 1873

Rodolphe Apponyi à Alfred de Falloux

Hongrie, 7 septembre 1873

Il y a prés d'un mois, cher ami, que j'ai reçu de vous la plus charmante et affectueuse lettre et si j'ai tardé à y répondre c'est d'abord à cause de la vie nomade que nous avons mené et puis parce qu'une fois arrivé ici je voulais vous parler du succès de la petite opération qui nous a réuni tous plus tôt que nous nous y attendions autour de mon admirable mère. Grâce au ciel cette nouvelle ponction (la 9ème en 7 ans) a réussi dans la perfection. Le 5ème jour maman a pu se lever et le 7ème elle a pu passer quelques heures au jardin dans sa chaise roulante. Les nuits sont bonnes, l'appétit excellent, les forces reviennent et la convalescence progresse. Cette chère vieille de 84 ans fait l'étonnement des médecins et de tout le monde par l'admirable vitalité qu'a gardé ce corps si frêle. Quant au moral, son cœur est resté aussi jeune et chaud que son esprit est resté charmant. Elle se rappelle de tout et n'a oublié personne, vous moins qu'aucun autre et ce matin encore elle me disait que vous étiez l'une des personnes qu'elle admirait et respectait le plus! Vous voyez donc qu'elle vous rend la fidèle affection que vous lui portez et qui est un lien de plus dans notre  amitié. Ma belle sœur Sophie aussi veut être rappelé à votre souvenir. Sa belle fille vient de mettre au monde un beau garçon qu'on appelle Giulio en mémoire de mon pauvre frère. Ma sœur Marie Weutkim et son mari sont ici avec nous. Ce sont deux anges et ils s'aiment après 21 ans de mariage comme au Ier jour. Leur fille qui a épousé le printemps dernier le comte Noyen promet d'être aussi heureuse en ménage que ses parents. Tous ces bons exemples ne semblent pas jusqu'à présent tenter Alex. Il est avec nous, aussi nous avons passé ensemble 8 jours dans notre futur château de Longyel, en compagnie d'un architecte appelé pour différent travaux d'embellissement et d'appropriation que nous y désirions. C'est Annette qui est l'âme de tous ces plans et projets et c'est pour moi  un vrai bonheur de voir combien ma femme et mon fils s’intéressent à cet établissement où, si Dieu nous prête vie nous comptons passer une partie de nos vieux jours et qui sera après nous la demeure d'Alex. Je compte être de retour à Paris vers le 20 ou 25 octobre. D'ici là je voudrai consacrer une semaine à l'exposition de Vienne, que je n'ai vu que très superficiellement et une quinzaine à (séjourner ) visite à Hélène qui par un concours de circonstance (mais pas à cause d'une grossesse) n'a pu réaliser le projet de venir nous voir en Hongrie. Je ne puis assez vous dire l'intérêt mêlé d'une anxieuse curiosité avec lequel j'attends la tournure que prendront les événements lors de la rentrée de l'Assemblée. Il me semble que ce serait bien le moment pour vous, si votre santé le permet, de venir passer une semaine ou deux à Paris ou à Versailles, où votre présence pourrait être utile. C'est pour ce moment que je réserve mes appréciations que je ne me souci guère de confier à la poste. Je me flatte que mes idées ne s'éloignent pas trop des vôtres, cher ami, et une bonne causerie au Bourg d'Iré me tenterait infiniment. Mais pourrai-je m'éloigner de Paris à peine revenu, et cela surtout dans un moment aussi important, où il s'agira de s'orienter un peu et d'étudier les dispositions que les différents partis rapporteront de leur province. Il est vrai que j'en apprendrai probablement plus long dans votre retraite que par toutes les conversations que je pourrais avoir dans la capitale. Enfin nous verrons. Faites-moi dans tous les cas écrire un mot rue Las Casas, vers le 20 octobre pour me dire vos mouvements entre cette époque et le 5 novembre et si je suis sur de vous trouver, il n'est pas impossible que je vous arrive un beau matin, ne fut-ce que pour 2 ou 3 jours. Je suis très indépendant jusqu'à Noël car Annette  compte passer deux mois avec sa fille en Italie avant de rentrer à Paris. Je vous dit donc au revoir mon bien cher et vieil ami, et me fais une fête de vous embrasser soit chez vous soit chez moi. A vous de cœur.

Rod.


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «7 septembre 1873», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1873, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 17/05/2013