CECI n'est pas EXECUTE 15 septembre 1880

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15 septembre 1880

Albert de Broglie à Alfred de Falloux

15 septembre 1880

Cher ami, les combinaisons que j'avais méditées pour nous rencontrer cet été ont manqué. La personne dévouée qui prend soin de mon pauvre Emmanuel ayant été rappelé pour quelques semaines dans sa famille, j'ai dû rester à Broglie à peu près sans bouger pour la remplacer, et j'ai laissé passer le temps de congé que mon fils Amédée1 pouvait passer à Chaumont. Le service militaire le rappelle maintenant aux environs de Paris, et je dois renoncer pour cet été à lui faire visite sur les bords de la Loire. J'ai pourtant si envie de vous tenir parole et de répondre à la bienveillance de Mme de Castellane que je ne veux pas y renoncer et je crois qu'il me serait possible de m'absenter  trois ou quatre jours dans la semaine du 26 septembre au 3 octobre. Mais ce qui n'eut été de Chaumont qu'une promenade devient d'ici un véritable voyage. Je ne sais pas bien la route de Rochecotte ni par quel train et à quelles heures on peut y arriver. Je crois me souvenir que le bureau de poste est Saint Patrice, mais je ne trouve ce nom que pour une station de train omnibus où l'on n'arrive qu'à des heures incommodes et après des trajets d'une longueur démesurée. Soyez assez obligeant pour me dire ce que vous savez sans doute à cet égard et ce qu'on doit faire pour ne gêner personne. J'écrirais ensuite à Madame de Castellane pour m'assurer que le jour où je serais libre lui conviendrait.

J'ai partagé entièrement votre impression sur la déclaration des Congrégations2, et j'ai contribué à faire prendre au Français la ligne que vous avez approuvée. Mais je dois dire que nous sommes presque seuls vous et moi, parmi les catho à trouver que la démarche était nécessaire et même utile. Tous les champions avec lesquels nous avons combattu cette année sont d'un autre sentiment, et trouvent (ce que je ne puis comprendre) qu'on a affaibli le terrain de la défense. Je reçois à cet égard des lamentations de bien des côtés et vous aurez pu [juger ou siéger] de la généralité de ce sentiment par l'aigreur mal déguisée de la chronique du Correspondant. J'avais eu le tort de ne pas m'en occuper pensant que Lavedan connaîtrait votre manière de voir et supposerait la mienne d'après l'attitude du Français. Je lui ai écrit hier mon déplaisir. Je ne m'attendais pas de sa part, à une maladresse pareille à celle qui lui fait négliger de soutenir Léon XIII quand L'Univers et L'Union l'attaquent. Mais cela vs donne la mesure de la violente pression qui a dû venir des abonnés. Du reste il est probable que tout ce bruit va tomber, avec M. de Freycinet3, qui ne me parait pas pouvoir survivre à sa tentative de modération tardive et alors on verra, je pense, qu'une démarche conciliante ne nuit pas [mot illisible] au contraire à la défense du droit. Nous n'aurions pas survécu à la lecture faite à la tribune d'une dépêche de [mot illisible] disant qu'il avait proposé une transaction aussi insensée et qu'on l'avait rejetée sans l'entendre. Mais l'humeur ardente de nos amis, leur habitude de se laisser [mot illisible] par des apparences et de seul point d'honneur rend avec eux toute manœuvre bien difficile. Je ne sais absolument rien de l'élection des Cotes du Nord et je ne sais à qui en parler. On a fait à Paris un comité mixte de sénateurs et de députés, dont on ne m'a pas proposé de faire partie et dont je ne me serais pas trop soucié d'être à cause de certaines rencontres. Vous avez raison de craindre les mutations de sièges entre les deux chambres. Mais le Mis de l'Angle que je ne connais pas n'est pas un esprit sur, et je n'aime pas beaucoup la circulaire qu'il m'a envoyée.

Adieu, très cher ami, et à bientôt, je l'espère encore avec les sentiments que vous savez. Al.

Notes

1Henri-Amédée de Broglie (1849-1917), troisième fils d'A. de Broglie.
2Il s'agit de la Déclaration d'adhésion aux institutions républicaines qu’auraient dû signer les supérieurs des Congrégations religieuses afin d'éviter les conséquences des décrets d'expulsion du 29 mars 1880.  
3Freycinet Charles Louis de Saulces de (1828-1923), ingénieur et homme politique. Polytechnicien, il devint chef de l'exploitation de la Compagnie des chemins de fer du Midi. Collaborateur de Gambetta dans le gouvernement de la Défense nationale en 1870-1871, il entra au Sénat en 1876 où il siégea avec la gauche républicaine. Le 14 décembre 1877, il entra dans le ministère Dufaure-Waddington où il occupa le portefeuille des Travaux publics.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «15 septembre 1880», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1880, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 07/04/2013