1872 |
18 novembre 1872
Alfred de Falloux à Henry de Maquillé
Angers, 18 novembre 1872
Mon cher Henry,
Charnacé1 est en ce moment au Bois-Monbourchet2, mais je n'ai pas besoin de recourir à lui pour préciser les faits comme tu le désires et si je ne l'ai pas fait tout d'abord, c'est que je ne supposais ps que tu eusses tant de pièces accusatrices dans la poche. Il s'agir donc de lettres de moi ou prétendues telles que tu as offert de montrer à Madame de Charnacé et qui me constituaient non en dissentiment de conduite avec tel ou tel d'entre vous, mais en un véritable cas de trahison. Il me paraît donc difficile que tu ne saches pas maintenant de quoi il s'agit, et que tu ne puisses pas me mettre en mesure de le savoir mi-même. Tu penses bien, mon bon ami, que je n'ai pas la prétention de te ramener à mon opinion sur des points qui nous ont partagés depuis trente ans, sans nous avoir empêché de nous considérer comme appartenant avec le même dévouement, à la même cause. M. Berryer était pour l'action militaire ! Rien n'était plus différent que ces deux lignes en principe et en fait. Cela n'empêchait pas ces deux hommes de faire partie, pendant nombre d'années, d'un même comité dans lequel j'avais l'honneur de m'asseoir à côté d'eux ; cela n'a point empêché M. le comte de Chambord de me dire, à Venise : « Vous ne pouvez pas me faire un plus grand plaisir que de contribuer autant que vous le pourrez, à rapprocher M. Berryer et le duc d'Escars3. »
Sois donc bien convaincu que je n'ai jamais songé à mettre en doute un instant l'élévation de tes intentions, mais sois bien convaincu en même temps que la passion, même la meilleure, emporte toujours avec soi une certaine dose d'aveuglement, et que tu es non seulement injuste, mais mal inspiré, dans l'intérêt d'une cause dont il ne dépend pas de toi de me bannir, lorsque tu fais intervenir des mots et des pensées qui ne devraient pas approcher de toi. Je te serre la main de tout mon cœur, et avec une vieille amitié absolument intacte. Falloux
