CECI n'est pas EXECUTE 10 novembre 1852

Année 1852 |

10 novembre 1852

Prospee Guéranger à Alfred de Falloux

Abbaye de Solesmes, ce 10 novembre 1852

Mon cher ami,

Un vicaire de Segré qui vient de passer quelques jours en retraite dans notre monastère, en me faisant ses adieux pour retourner à son poste, est venu me demander mes commissions pour vous. Je les lui ai donné verbalement, mais à la réflexion, je me suis demandé pourquoi je ne les écrirai pas? Et je me suis décidé à prendre la plume, indiscrètement ou non. Depuis plusieurs mois, je suis travaillé de la pensée de vous écrire pour vous supplier, au nom de l’Église et du pays, de rentrer aux affaires, mon affection pour vous s'inquiète depuis longtemps à la pensée de la responsabilité que vous encourez par votre résistance aux instances qui vous sont faites. Je vous en supplie, laissez vous vaincre. Dieu sera content de vous; cela doit vous suffire. Je suis aussi désintéressé qu'il est possible dans la démarche que je fais. Elle procède uniquement de mon amour pour l’Église et pour mon pays, et du plus sincère attachement pour vous. Ce n'est point une position brillante et influente que mon amitié ambitionne pour vous; je sais avec quelle facilité un principe d'honneur vous fait fouler aux pieds toutes ces choses ; mais je m'alarme de vous sentir responsable du bien que vous n'aurez pas fait, et du mal que votre refus de concours occasionnera inévitablement. Ce ,n'est pas à moi de vous développer tous ces points de vue ; votre coup d’œil les saisit mieux que le mien. Laissez donc les choses humaines suivre leurs destinées et comprenez que les devoirs que Dieu nous imposent sont toujours relatifs au présent. Il n'est permis de s'accrocher au profit de l'avenir et d'un avenir incertain, que lorsque l'on est assuré de n'avoir rien à faire dans le présent.

L’Église et la société vous réclament ; Dieu le veut! Je suis trop petit pour peser quelque chose dans la balance ; ne voyez donc dans cette démarche que la sollicitude d'un vieil ami qui veut délivrer son âme, et ne plus avoir à se reprocher de s'être tu, quand depuis longtemps sa conscience le pressait de parler.

Veuillez offrir mon respectueux hommage à Madame de Falloux et recevoir l'expression de mon tendre attachement.

Fr. Prosper Guéranger, abbé de Solesmes


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «10 novembre 1852», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1852, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 21/12/2011