CECI n'est pas EXECUTE 2 avril 1880

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2 avril 1880

Hélion de Barrème à Alfred de Falloux

Nice, 2 avril 1880

Monsieur le Comte,

Votre nom doit être présent à toutes les pensées à tous les cœurs qui se souviennent de ces douloureuses émotions, des ces glorieuses batailles qui commencent. Quelle plus glorieuse récompense pour un homme, que celle que vous obtenez, en regardant la légion de chrétiens, de soldats du christ qui se lèvent pour défendre l’Église et ses libertés. Tous ils doivent à l'immortel ministre de 1850 leur foi, le courage et le talent qu'ils consacrent aujourd'hui à la défense du droit ! Oui tous vous doivent l'honneur de défendre la justice que, dans votre charte d'affranchissement, ils n'auraient pas connue; ils sont tous vos redevables, même les ingrats, et vous avez pu connaître comme notre cher et invincible évêque, comme le chevalier sans peur et sans reproche que je vous entendais appeler, au congrès de Malines, sous un tonnerre d'applaudissement, ce vaillant Montalembert, vous avez pu connaître, dis-je, les ingrates injustices dont sont capables et dont se rendent parfois coupables plusieurs des catholiques. Vous avez l'âme haute et ces misères ne vous touchent pas. Dans cette heure de péril suprême et de lutte décisive, le premier de tous les français qui ait profité de la loi Falloux, pour s'asseoir sur les bancs titres du premier collège ouvert par les jésuites, vous adresse l'expression de sa reconnaissance et vous offre l'hommage d'une admiration qui vous fut toujours fidèle sans défaillance. Je vous ai regretté au sénat comme je vous avais regretté en 1873 à l'Assemblée nationale1. Notre admirable évêque d'Orléans m'exprimait ce regret peu de mois avant sa mort. En m'inclinant devant vous, Mr le comte, je crois m'incliner en même temps devant ces grands chrétiens, ces citoyens généreux, ces libéraux intelligents qui réconcilièrent il y a prés de quarante ans la liberté politique avec la foi religieuse, les aspirations légitimes de la société moderne avec la tradition dont vous êtes le dernier survivant. En vous je retrouve ces hommes illustres que j'ai tous connu, aimé admiré: Lacordaire, Berryer, Montalembert, Ravignan et notre incomparable Mgr Dupanloup. Dieu vous a donné d'écrire une plage splendide ds l'histoire de l’Église. Cette page on voudrait l'effacer. Tous les libéraux joindront leur protestations aux nôtres, car on ne pourrait toucher à votre œuvre sans frapper mortellement la liberté et fournir des armes au premier Cesar venue. Dieu puisse épargner à la France ces deux épreuves qui se suivent toujours comme deux conséquences, inévitables ; le terrorisme et le Césarisme ! Je prends la liberté, Mr le comte, de vous offrir une déposition écrite que j'ai adressé au sénat français. Si vous daignez y jeter les yeux vous verrez que je ne suis ni de ceux qui craignent ni de ceux qui oublient. Veuillez agréer, Mr le comte, l'hommage de ma reconnaissance et de mon dévoué respect.

Hélion de Barrème

Notes

1Allusion à la tentative avortée de Restauration.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «2 avril 1880», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1880, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 07/04/2013