1884 |
13 janvier 1884
Ernest Naville à Alfred de Falloux
Genève, 13 janvier 1884
Cher Monsieur et ami,
Je vous remercie de vos très aimables lignes.
Je n'ai pas à profiter de votre offre en vous donnant pour Paris ce qu'on peut appeler des commissions ; mais je vous prie d'être mon interprète auprès de Mr. de Rességuier pour lui dire que je conserve son souvenir avec une très affectueuse fidélité, et que ce souvenir se traduit en vœux sincères pour qu'il ait la part de bonheur compatible avec nos terrestres destinées. Vous pourriez, à l'occasion, saluer Coppée1 de ma part. Je l'ai connu, à Genève, à l'époque d'une aventure de cœur dont il a fait la matière de nombreuses poésies.
La mention que vous me faites du Comte de Paris2 m'a fait concevoir un projet que vous aurez l'obligeance d’exécuter ; mais dans le cas seulement où vous jugeriez la chose convenable. Si vous estimez que la convenance n'y soit pas, tenez pour nulles les lignes que voici.
Je voudrais faire parvenir au Comte de Paris par votre entremise le mémoire relatif à la réforme électorale que je vous adresse. S'il n'a pas étudié la question, je désirerais l'engager à le faire. Voici précisément dix-neuf ans que j'étudie le sujet ; et je suis toujours plus convaincu que la manière dont on met en œuvre l'élément démocratique est la plaie la plus profonde des républiques et des monarchies constitutionnelles. J'ai obtenu la pleine adhésion à ma manière de voir de feu le Baron Ricasoli3, de l'Empereur du Brésil4, et tout récemment (ne dites pas cela à vos français) du Prince de Bismarck. Si le Comte de Paris doit occuper un jour le trône de France (tout peut arriver chez vous) son adhésion à la cause pourrait avoir une grande importance pratique. S'il le désirait, je serais bien empressé à lui fournir des documents pour l'étude de la question. Mais je vous laisse absolument juge de a convenance de la démarche. Bien à vous.
Ernest Naville