1872 |
2 juillet 1872
Camille de Meaux à Alfred de Falloux
Versailles, 2 juillet 1872
Cher Monsieur,
Madame de Meaux et moi, nous sommes très disposés à savoir gré la chapelle du Bourg d'Iré d'un prompt et complet rétablissement qui m'étonne <deux mots illisibles> votre cruelle épreuve me porte à bénir Dieu et à me sentir épargné. Vous savez bien que c'est à vous depuis longtemps que je fais remonter les meilleures chances de ma vie et vraiment c'est une bonne chance en ces temps ci que d'échapper aux derniers malheurs. Ma femme1 va bientôt se lever et ne nous donne plus aucune espèce d'inquiétude. J'étais auprès de son lit tandis que nos délégués portaient à M. Thiers les suprêmes doléances des conservateurs. Mais j'ai applaudi de tout cœur à cette démarche qui me semblait l'accomplissement d'un rigoureux devoir et a déjà eu l'avantage d'unir sur un terrain pratique la droite toute entière avec le centre droit. La retraite de M. de Larcy2, la lettre du duc de Broglie3, les paroles échangées avant-hier aux Réservoirs et que vous lirez demain dans la Gazette, tout cela a achevé de donner à l'acte de nos délégués sa signification. Maintenant il doit <mot illisible> ses conséquences, et c'est ici que des nouvelles difficultés commencent. Le gouvernement et M. Thiers en particulier paraissent fort affaiblis et pour quiconque assiste à ces séances, il est douteux peut-être que nous puissions gouverner sans Thiers mais il est clair qu'il ne peut pas gouverner sans nous. De plus ses derniers projets d'impôt sont en train d'échouer ou du moins sa foi en son infaillibilité financière, cette foi qu'il inspirait aux autres à force de la professer reçoit e ce moment de rudes atteintes. Enfin, son nouveau traité avec l'Allemagne est une déception. Il pourrait se relever encore en s'accordant franchement avec la majorité et en constituant un cabinet solidement parlementaire. Le voudra-t-il? Et nous, devons-nus attendre ou provoquer ces explications et peut être la crise ? Je suis de ceux qui préféreraient une occasion fournie par d'autres que par nous et surtout qui croient une occasion nécessaire. Le tempérament politique du pays ne me paraît pas assez vigoureux pour admettre volontiers un procès de tendance. Mais je pense bien plus encore que nous ne pouvons aller en vacances sans avoir rien fait, du moins sans avoir rien tenté. Peut-être aurons nous lieu de débattre la prochaine dissolution totale ou partielle de l'assemblée, dissolution demandée depuis longtemps par la gauche mais qui paraît devoir devenir son mot d'ordre à la suite du traité nouveau. Les rapports sur ces belles propositions étant fait et déposés depuis de longs mois, il dépendrait de nous d'en provoquer la mise à l'ordre du jour et cela afin d'être fixés avant d'aller en vacances et de ne pas permettre à nos adversaires d'agiter le pays en disant derrière nous ce qu'ils n'osent dire en face de gens près à les contredire. Ce débat engagerait évidemment toutes les questions difficiles et sur un terrain ce semble assez bien choisi. J'aimerais mieux encore qu'il y eut moyen d'interpeller le gouvernement sur les banquets radicaux. Mais le peut-on ? Enfin, cher Monsieur, plaignez, encouragez et rejoignez, s'il se peut, vos amis. Personne n'est plus à vous que moi.
C. de Meaux