CECI n'est pas EXECUTE 5 décembre 1860

Année 1860 |

5 décembre 1860

Alphonse Gratry à Alfred de Falloux

Paris, 5 décembre 1860

Mon bien cher Monsieur,

Me voici depuis deux jours à Paris, et au travail. Je m'efforce de tourner à bien l'effet du charmant repos que j'ai trouvé au Bourg d'Iré. A mon arrivée, l'on m'a remis une  carte, sans pli, du général Lamoricière, et ne sais rien de plus à son sujet, sinon que le P. Petétot1 pense qu'il a l'intention de retourner à Rome. Je n'ai fait encore qu'une partie de vos bonnes commissions.

Je viens de voir l'abbé Perreyve2, à qui j'ai apporté vos paroles textuelles, ainsi que leur excellent commentaire. Il est profondément touché du tout, et nous sommes en voie, l'un et l'autre, de ne plus seulement vous tenir pour le grand personnage que nous savions, mais encore pour un homme que nous osons aimer. Vous recevrez de lui, j'espère, sous quelques dix jours, sa Journée des malades3 que je regarde comme un livre hors ligne pour le charme et l'utilité! Ce petit livre sera un bienfait pour des milliers d'âmes.

Depuis que je vous ai quitté, cher Monsieur, à la joie que j'éprouve de m'être si pleinement entendu avec vous sur beaucoup de points, se joignent les doutes sur quelques autres points, qui n'ont pas été scrutés jusqu'au fond. Mais j'espère que tout s'éclaircira dans une complète entente d'esprit et de cœur.

Madame Tonnellé4 est bien reconnaissante de ce que vous avez bien voulu me dire pour elle, et trop heureuse de pouvoir vous envoyer les deux derniers petits volumes. Je ne rencontre ici personne qui attache un sens clair aux dernières mesures politiques. La seule chose claire c'est qu'il faut en user. Le P. Petitot n'est pas fort effrayé de ce qui concerne l’Église. Il croit pourtant qu'il y a, dans le gouvernement, plusieurs esprits assez ignares et assez stupides pour croire a quelque possibilité de quelque chose dans le sens du schisme.

Pour moi, j'ai ajouté à ma grande surprise du bien public ma petite ligne spéciale de prières pour qu'une chère et précieuse santé soit rétablie. Espérons que Dieu nous y aidera. Je le prie, cher et digne Monsieur, de vous bénir abondamment, et Madame de Falloux, et Madame de Caradeuc, et Mademoiselle Loyde et toute votre maison, et tout le bourg.

A. Gratry

J'espère revoir bientôt ici Monsieur le Comte de Berthoud5. Nous aurons beaucoup à parler des pauvres chrétiens d'Orient.

Notes

1Pététot, Louis Pierre (1801-1887), prêtre de l'Oratoire. Ordonné prêtre en 1824, il fut vicaire et curé à Paris où il s'associa avec le P. Gratry et le P. Valroger pour restaurer l'Oratoire qui avait été supprimé en France en 1792.
2Perreyve, Henri (1831-1865), entré à l'Oratoire en 1853 que venaient de restaurer le P. Gratry et le P. Pététot, il fut ordonné prêtre en 1856. Ses conférence à Sainte-Barbe lui assurent très vite une grande notoriété et en 1861, après avoir soutenu une thèse Des caractères de la véritable Eglise, il obtient une chaire d'histoire ecclésiastique à la Sorbonne où il succédait à Lavigerie. Il était très lié à Lacordaire, mais aussi aux frères Perraud, à la famille Ozanam et à la nouvelle génération de catholiques libéraux tels C. de Meaux et L. de Gaillard. Voir Lettres de l'abbé H. Perreyve (Correspondant, 1872). Il fut l’auteur de plusieurs ouvrages spirituels dont La Journée des malades (1860) et Entretiens sur l’Eglise catholique (1865).
3Titre de l'ouvrage que venait de publier Henri Perreyve. Voir note ci-dessus.
4Veuve d'Alfred Tonnellé (1831-1858), poète et écrivain ?
5.Archéologue amateur, le comte Jules  de Bertou, ami très proche de Falloux, avait écrit sur le Proche-Orient où il avait séjourné pour  effectuer des fouilles archéologiques.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «5 décembre 1860», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1860, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 04/04/2013