CECI n'est pas EXECUTE 3 février 1852

Année 1852 |

3 février 1852

Alfred de Falloux à Francisque de Corcelle

Bourg d'Iré, le 3 février 1852,

Moi aussi, mon cher ami, je commence tous les matins une lettre pour vous en pensez et je la finis en omission, parce que mes yeux, mes rhumes, mes travaux y viennent faire obstacle comme malgré moi. Je veux cependant vous avoir devancé est votre cher neveu m'annonçant que vous prenez votre courage à deux mains, je saisis ma plume et me voici rendu le premier !

Le sérieux de tout cela est que vous comptez pour moi dans le très petit nombre de privations qui me demeurent sensibles, que l'absence de votre affection, quand je songe et de votre conseil quand j'agis, me font grandement défaut. Je n'y supplée pas en vous le disant, mais j'y trouve au moins une consolation. Je crois aussi que j'acquitter une dette. Mon aîné et mon maître dans nos tristes affaires politiques, vous m'avez, dés longtemps traité avec indulgence et confiance. Vous êtes lié dans les premières impressions de mes débuts à mes plus doux souvenirs et et à mon plus avouable orgueil. Pardonnez-moi donc, mon cher ami, et de vous devancer aujourd'hui et de ne vous avoir pas devancé plus tôt.

Je tiens aussi à ce que votre très aimable et digne nonce sache promptement à quel point sa lettre d'il y a trois jours m'a rendu reconnaissant. Deux hommes ne sont vraiment sur l'un de l'autre, ne possèdent bien la mesure d'estime qu'ils se doivent, que quand ils ont réciproquement échangé des vérités à dire et à entendre. Je vois à quelques traces d'hésitation dans sa franchise qu'il n'était pas encore tout à fait rassuré sur ma sincérité en la provoquant. J'ai hâte de lui enlever même cette ombre d'inquiétude il m'aurait dit de plus dures choses et il me les aurait dit plus durement qu'il aurait augmenté seulement ma dose de gratitude et de haute opinion à son sujet. Dans cette circonstance ci je n'ai pas eu d'effort à faire, ma vertu a été naturelle. Je veux si résolument ma retraite ; j'éprouve six impérieusement le besoin de repos que la critique d'autrui me semble un complément et même une garantie de cette indépendance si franchement reconquise. Priez donc bien votre nonce1 de s'aguerrir pour une meilleure occasion. A-t-il pu rendre compte à D. Pitra2 de sa commission ? Quant aux rêveries de ma solitude, voulant prouver attendre grand-chose, mon cher ami, et il vaut bien mieux que je reçoive de vos aspirations des renseignements juste ce qu'il me faut pour empêcher l'esprit de se rouiller, ou ce qui plus est, de se fausser ! Je ne vois pas autour de moi de symptômes de réaction ; je suppose qu'ils se multiplient autour de vous. Je continue à les redouter plus qu'à les appeler.  Je ne considèrerais nullement comme une bonne fortune pour notre principe de revenir à la tête de tous les mécontentements actuels ; je préfèrerais de beaucoup que le sens des sept millions  500 000 suffrages demeurât acquis à l'idée d'autorité et qu'on ne plus attribuer ni à nos hostilités sourdes né à nos hostilités avancées les catastrophes que chacun peut prévoir. Je désireraient surtout que nous ne laissions échapper en murmures aujourd'hui que ce que nous serions prêts en engagements demain, si nous étions les maîtres ! Cette réserve, cette prudence sont-elles possibles ? Les salons, les cotteries, les ambitions, les ressentiments étant ce qu'ils sont !! Je ne m'en flatte guerre. Voilà pourquoi, mon cher ami, en outre de mes  irrécusables motifs de santé, je vous écris de si loin au lieu d'aller vous serrer la main de près. A vous de coeur. A. de F.

Notes

1Mgr Garibaldi, Antonio, nonce à Paris depuis 1850.
2Pitra, Jean-Baptiste (1812-1889), prêtre en 1836, il était entré à Solesmes en 1841. Il se consacra à des travaux d'histoire. Nommé cardina-prêtre en 1863, il fut chargé d'administrer la bibliothèque de la sainte Eglise romaine en 1867. Il sera promu cardinal-évêque en 1879 et en 1884 sous-doyen du Sacré-Collège.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «3 février 1852», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1852, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 27/11/2011