CECI n'est pas EXECUTE 22 janvier 1859

Année 1859 |

22 janvier 1859

Alfred de Falloux à Pierre-Antoine Berryer

Samedi 22 janvier 1859

Cher ami,

Je suis bien consterné de la mort de Mme Le Tissier1, et vous demande fort en grâce d'écrire quelques lignes pour moi à la porte de Mme de Chavagnac2. Près de qui la pauvre femme va-t-elle se réfugier maintenant ? Dites m'en un mot quand ous le saurez par Elie, auquel j'offre aussi par votre intermédiaire, le plus tendre souvenir. Vous avez bien prévu la douleur de Mme de Castellane3. Sa religieuse nous écrit qu'elle a tant pleuré que la névralgie s'est reportée sur les yeux de façon cruelle. Le comte Hatzfeldt4 était inappréciable dans la vie intérieure, et vous savez en outre tout ce qu'il laisse derrière lui. Toutes ces douleurs sont le tribut quotidien et cependant nous ne savons ni nous y accoutumer, ni y penser sans cesse ; nous glissons entre l'égoïsme absolu et la vérité conséquente avec elle-même. Heureusement Dieu connait notre nature, du moins espérons-le. Je voulais vous remercier plus tôt de votre dernière lettre, cher ami ; mais nous attendions Mr et Mme de Caradeuc de jour en jour, et je voulais vous annoncer l'issu de leur voyage. Ils sont arrivés hier au soir. Mon beau-père est maigre et affaibli, mais moins sombrement préoccué que cet automne. Mme de Caradeuc à merveille. Nous avons eu une apparition du duc de Fitz-James5 envers lequel je suis vraiment et sincérement reconnaissant de l constante et cordiale amitié. Dites-le lui bien à l'occasion. Fontaine6 vous a-t-il porté des papiers qui appartienent à Augustin Galitzin ? Ses tribulations me sont toujours bien présentes au cœur. Il m'écrit comme ayant définitivement échoué dans l'affaire de Suez7, et entrant avec Mr. Poujoulat8 et l'avis de Cochin dans une combinaison de presse religieuse. Cela certainement convient bien davantage à ses goûts, mais y auta-t-il une vraie situation ? Dites-moi bien, cher ami, ce que vous en apprendrez. Dans la croyance que vous avez avec MM. de Lacombe9 de fréquentes rencontres au comité d'école d'Orient, je vous demande : 1° de remercier  et de féliciter l'aîné10 sur un article dans l'Union qu'il a eu la bonté de m'envoyer, ce que je ne fais pas direcectment parce que je leur ai récemment décoché une longue lettre ; 2° de leur demander si le volume de Chanteloze11 a été retrouvé chez M. de Bellevèze12 non qu'il s'agisse de me l'envoyer ici en hâte, mais seulement pour le règlement de ma réponse vis-àvis de l'auteur.  Je n'ai plus de préoccupation pour l'insertion en Belgique et je n'ai jamais voulu faire remonter le tort de l'intention plus loin que Paris, mais quant au parti et alibi que vous établissiez, cher ami, pour me détourner de suppositions injustes, ils n'étaient pas vrais. Vous avez oublié que le dimanche matin, en revenant de Saint Clotilde je vous ai parlé d'un envoi qui avait dû être fait de Toulouse, au moment où je quittais Sauveterre13. Cet envoi avait eu lieu en effet, était parvenu à destination avant que Fernand14 et quitter l'Allemagne, il aurait été témoin de la réception et en avait rapporté le détail (ainsi que le texte probablement) à Paris. Je vous rappelle tout cela, quoique cela n'ait aucune importance déterminée, par ce que le même Fernand disait à Édouard15 la veille même de son apparition au Bourg d'Iré qu'un de mes torts nouveaux était l'ignorance où l'on était dans le pays qu'il avait quitté. Du reste laissé tombait tout cela, je vous en prie près d'Édouard comme prêt de tout autre ; seulement concluez-en comme moi que le régime des petit tripottages n'est pas encore fini. Le travail de Mme Swetchine avance toujours quoique lentement16. Si ma santé se soutient, dans le pilotage, comme elle le fait jusqu'à présent, je vous porterai ce printemps de la besogne très avancé. Au revoir, au revoir.

Alfred

On m'écrit que la lettre de Rome a passé des mains de M. Rouland17 dans celle de l'Empereur. Pouvez-vous me dire l'origine et la certitude de cette nouvelle ? Combien je souhaiterais que cet honneur m'eut réellement appartenu !

Notes

1Mme Marie Bégnine Esther Letissier (?-1859), habituée du salon de Madame Swetchine, elle tenait elle-même un salon.
2?
3Castellane Rachel Elisabeth Pauline de (1823-1895)Elle venait de perdre son époux, le comte Maximilien de Hatzfeldt. Elle épousera en seconde noces (1861), Louis Napoléon de Talleyrand-Périgord, duc de Dino et de Talleyrand (181-1898).
4Hatzfeldt, Maximilien Frédéric Charles François, comte (1813-1859), diplomate allemenand. Secrétaire à l'ambassade de Prusse à Paris, puis, en 1849, ambassadeur de Prusse en France.  
5Fitz-James, Edouard, duc de (1828-1906). Propriétaire légitimiste du château de la Lorie, à la Chapelle-sur-Oudon, près de Segré, en Maine-et-Loire, le duc de Fitz-James est un voisin de Falloux auquel il est lié d'amitié.
6Secrétaire de Falloux qui, du fait de ses crises névralgiques répétées dicte le plus souvent son courrier.
7Sans doute A. Galizin avait-il teté d'enter dans la Compagnie de Suez.
8Poujoulat, Jean Joseph François (1808-1880), journaliste et historien. Député légimiste des Bouches-du-Rhône de 1848 à 1851, il est l'un des principaux rédacteurs de l'Union, le journal « officiel » du comte de Chambord. Il colabora également à la Revue des Deux Mondes et au Correspondant. Il est l'auteur de très nombeux ouvrages dont une Histoire de Saint Augustin (1844), Lettres sur Bossuet (1854), Littérature contemporaine, etc.  
9Hilaire et Charles de Lacombe. L'un et l'autre sont liés à P.A. Berryer.
11Chantelauze, Frnçois Régis de (1821-1888), historien. Editeur des œuvres du cardinnal de Retz, il collabora au Correspondant.
12Sans doute Belvèze, Louis Marie Gustave Dupuy de (1809-1886), propriétaire dans l'Aude dont il fut le représentant monachiste à l'Assemblée législative de 1849.
13Le château de Sauveterre, situé dans le Gers est propriété des Rességuier auxqules Falloux est très lié, en particulier Albert de Rességuier/
14Ferdinand Adolphe de La Feronnays (1804-1866), fidèle du comte de Chambord, il fut l'un des premiers membres de son bureau politique et mourut dans ss bras, à Frohsdorf.
15Edouard de Fitz-James.
16Falloux s'apprêtait à publier un ourage sur Mme Swetchine intitulé, Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres, 2 vols., Paris, A. Vaton, 1860.
17G. Rouland est alors ministre de l'Instruction publique.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «22 janvier 1859», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1859, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 21/12/2011