CECI n'est pas EXECUTE 22 juillet 1859

Année 1859 |

22 juillet 1859

Alfred de Falloux à Jules de Bertou

Caradeuc, 22 juillet 1859

Cher ami,

Vous me deviez depuis longtemps la lettre de ce matin et j'allais vous adresser mon tendre reproche au moment même où vous venez de le conjurer. J'ai bien senti dès la première ligne que votre mère allait mieux ; mais je n'ai pas de mon côté la pareille à vous rendre. La santé de Marie1 est toute troublée et sans que le médecin permette l'ombre d'une inquiétude, elle ne quitte pas son lit depuis dix ou douze jours. Cela, en outre de tout le reste, m'enlève un précieux auxiliaire pour le travail de Mme Swetchine et la correspondance courante. J'ai donc toutes les peines du monde à suffire à ma propre besogne et c'est ce qui me force à ajourner le dégonflement politique qui me soulagerait tant moi-même. Le rapprochement que vous faites avec la Crimée est précisément ce qui achève de me dégoûter de tout espoir d'un plan grandiose et suivi. Voilà les révolutionnaires d'Europe traités comme les chrétiens d'Orient et tout aussi avancés après une campagne qui leur était spécialement dédiée. J'écrivais l'autre jour à Cochin (qui me fait la grande joie de me répondre dans le même sens) en prévision de la chronique du Correspondant. Encore un feu d'artifice2 à un million la fusée, sans compter les flots de sang ! ! Il se peut donc, cher ami que l'Angleterre ait son tour, ou les bords du Rhin ; mais j'attendrai non pas seulement le commencement de l'entreprise, mais sa fin pour en concevoir l'ombre d'une conjecture. Et puis d'ailleurs, Orsini, si violemment provoqué au fond de sa tombe, continuera-t-il à y dormir ? Quel deuil et quel crime qu'une si grande nation que la nôtre, ainsi gaspillée et profanée ! Là-dessus, je vous embrasse et Albert3 aussi, arrivé depuis deux jours avec ses filles vraiment charmantes et une institutrice dont nous sommes tous enchantés.

Alfred

Notes

1Marie de Falloux, son épouse.
2Allusion aux 101 coups de canons tirés aux Invalides, le 12 juillet 1859, pour annoncer aux Parisiens la signature de la paix avec l'Autriche.  Le 12  juillet, La France et l'Autriche avaient signé la paix à l'issue de l'entrevue de Villafranca qui prévoyait la cession de la Lombardie à Napoléon qui les cédera à son tour au Piémont.
3Albert de Rességuier.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «22 juillet 1859», correspondance-falloux [En ligne], Second Empire, Année 1852-1870, Année 1859, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 30/03/2013