CECI n'est pas EXECUTE 5 février 1864

Année 1864 |

5 février 1864

Paul de Noailles à Alfred de Falloux

5 février 1864

Mon très cher confrère,

J'ai causé avec M. Guizot de l'élection. Il m'a dit que M. de Lavergne1 s'étant présenté, (il n'a pas encore écrit sa lettre à l'académie), il lui avait engagé se voix, trouvant le choix excellent, que la seule objection qu'on pouvait faire contre lui, à savoir que c'était un candidat politique, n'en avait jamais été une pour lui ; qu'il ne l'avait admise, ni pour vous, ni pour M. Berryer etc., et qu'il avait, dans le temps, été assez choqué de ce que cela avait été le motif d'exclusion pour M. Cuvillier-Fleury2 ; qu'il n'était pas le seul qui portait M. de Lavergne3, que les Broglie4, M. Villemain et d'Autran étaient décidés pour lui, qu'ils pouvait compter sur neuf voix. Je lui ai opposé quelques raisons tirées, comme politique, moins de son emploi dans l'ancien gouvernement, que de sa candidature et de la protestation électorale dans l'opposition au gouvernement actuel, puis sa qualité de membre de l'Institut qui exigeait alors un mérite très supérieur, et enfin la certitude, si personne ne renonce au sien, de faire passer le candidat impérial, qui ne votera pas ensuite avec nous. Quant à la qualité de poète pour la succession de M. de Vigny5, ce n'est pas une raison, et l'académie s'est souvent attachée à agir en sens contraire, pour ne pas créer d'antécédents qui plus tard généraient sa liberté. Nous nous sommes quittés en ayant l'air de dire qu'il faudrait que toutes les voix se ralliassent sur celui qui en aurait le plus. Cela ne se fera pas avant le mois prochain. J'ai entrevu Montalembert à la séance, sans pouvoir lui parler. Je le verrai dans la semaine. Ce qu'il y aurait de mieux pour M. Autran6, c'est qu'on obtint de M. de Lavergne qu'il se retirat. J’espère bien que nous aurons le plaisir de vous voir au moins à la fin du mois.

Veuillez croire, Monsieur le comte, à toute l'assurance de mes sentiments les plus dévoués.

Noailles.       

Notes

1Lavergne, Léonce Louis Gabriel Guilhaud de (1809-1880), économiste, homme politique et homme de lettres. Après avoir entamé une carrière de rédacteur à la Revue du Midi et au Journal de Toulouse, il était entré au Conseil d’État (1842).  Élu du Gers de 1846 à 1848, il sera réélu député de la Creuse à l'Assemblée nationale en 1871, siégeant avec le centre-droit. Il sera nommé sénateur inamovible en 1875.
2Voir lettre de Pontmartin du 8  janvier 1862.
3Entré au ministère de l'Intérieur comme chef de cabinet de Rémusat, il s'était lié avec Guizot. En dépit de l'appui de ce dernier, il ne parviendra jamais à se faire élire à l'Académie française. Il était, depuis 1855, membre de l'Académie des sciences morales et politiques.
5Alfred, Victor, Comte de Vigny (1797-1863). Le célèbre poète romantique avait été élu à l'Académie française le 8 mai 1845.
6Autran, Joseph (1813-1877), poète français. Plusieurs fois candidat à l’Académie française, il était soutenu par les catholiques, son ami V. de Laprade, Thiers et Mignet mais combattu par Guizot et les libéraux, le Journal des Débats et la Revue des Deux-Mondes. Contraint de se retirer devant Octave Feuillet en 1862, il ne sera élu que le 7 mai 1868, en même temps que Claude Bernard.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «5 février 1864», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Second Empire, Année 1852-1870, Année 1864,mis à jour le : 21/03/2022