Année 1869 |
2 février 1869
Paul de Noailles à Alfred de Falloux
Paris 2 février 1869
Monsieur et cher confrère,
L'absence de vie et de travaux politiques ne serait pas une objection à l'élection de M. de Pontmartin1, si, du reste, il réunissait les qualités nécessaires pour un pareil héritage. L'académie tient même à ce que les fauteuils ne soient pas caractérisés, ni divisés en fauteuils politiques, littéraires, scientifiques etc. Mais ce choix n'est pas en effet assez élevé et à des côtés faibles. Il est très facile d'y renoncer. Je n'ai rien fait dire au personnage. M. Guizot et son groupe n'y tiennent pas du tout. J'ai fait des démarches depuis, en faveur des trois que vous m'avez nommés, près d'un certain nombre de confrères, autres que M. Guizot et ses amis et j'ai trouvé partout une froideur à peu près négative. Chacun dit qu'il ne passeraient pas. On trouve que la réputation est faible ; sans doute il y a des ouvrages, mais qui ont bien peu marqué ; ce que ces noms rappellent, c'est l'article de journal, toujours à peu près le même et sans peu de saillie, estimable et monotone, et le cachet de leur journal, l'Union, pèse sur eux. Je vous dis ce qu'on me répond. M. de Champagny2, me dit-on n'a pris aucune part à la politique des temps passés, mais à un penchant très naturel pour l'empire. L'empereur désire beaucoup sa nomination, et on trouvera singulier que notre Berryer soit nommé par le parti impérial de l'académie qui fera la majorité. Le discours même aura peut-être quelqu'embarras à louer vivement les idées libérales et constitutionnelles du grand orateur en présence du système actuel ; et enfin on dit que ce nouveau confrère ne fera pas absolument parti de notre groupe pour les nominations futures, et ne pourra pas s'affranchir entièrement de l'influence impériale. Quand M. Troplong3 se présentera, par exemple, comment on dit qu'il en a le dessein, il lui sera difficile de ne pas voter pour lui. Quel dommage ! C'est un bien beau sujet. C'est la dernière fois qu'on aura à parler de la restauration. L'éloge de Berryer, c'est le jugement à prononcer sur la restauration et l'époque de Louis-Philippe. Quand vous serez ici, et que vous joindrez vos efforts aux miens, peut-être réussirons-nous mieux que je n'ai fait. Veuillez, mon cher confrère, agréer l'assurance de tous mes sentiments très dévoués.
P. de Noailles