CECI n'est pas EXECUTE 1er janvier 1869

Année 1869 |

1er janvier 1869

Paul de Noailles à Alfred de Falloux

Paris Ier janvier 1869

Monsieur et cher confrère

M. Andral m'a donné communication de la lettre que vous l'avez chargé également de communiquer à M. Thiers. J'en approuve parfaitement l'esprit. Je comptais vous écrire moi-même depuis quelque temps sur ce qui en fait le sujet, cherchant de mon côté quel successeur on pourrait donner à notre cher Berryer1, capable de le louer dignement et de juger, à son sujet, la phase historique qui a le plus compté dans sa vie de 1830 à 1848. Parmi les hommes de son opinion je ne verrai que M. Poujoulat, Laurentie, Nettement, Pontmartin, mais je doute que nous puissions les faire adopter. Le nom que vous indiquez s'en rapproche jusqu'à un certain point, et vous avez bien raison de dire qu'il ne faut pas dans cette élection que notre opinion soit entièrement effacée. Il faut aussi que dans cette triple élection il y en ait au moins une réservée pour un pur homme de lettres. On accuse l'académie de les laisser un peu trop de côté. C'est qu'il y a dans cette catégorie, bien peu de choix à faire sans d'assez graves objections. Sur ce point je n'hésite pas à proposer M. Rousset2. Il remplit parfaitement les conditions voulues, sans aucune des objections qu'on élève contre les autres. Quant à M. d'Haussonville3 ses droits sont bien positifs et ceux qui hésitent ne le font que par raison de famille. J'ai écrit à M. Guizot il y a huit ou dix jours pour lui témoigner le désir que nous nous entendions sur ce sujet, avant d'arrêter nos vues. Il m'a donné rendez-vous dans la première quinzaine de janvier, et je ne manquerai pas de lui communiquer vos idées. Je vous tiendrai au courant de notre conversation. Mais je préfère M. d'Haussonville4 à M. Duvergier de Hauranne5 pour l'élection actuelle, et je partage tout à fait votre avis de ne pas nommer à la fois, en la circonstance actuelle, deux personnes d'une opinion aussi tranchée. Ne viendrez-vous pas bientôt passer au moins quelques jours à Paris ? Veuillez croire à la nouvelle et parfaite assurance de mon sentiment le plus sincère et le plus distingué.

P. de Noailles

Notes

1P.-A. Berryer, décédé le 29 novembre 1868, laissait un siège vacant à l'Académie française.
2Camille Rousset (1821-1892), professeur et historien. Il devra attendre le 30 décembre 1871 pour entrer à l'Académie française, au siège d'A. Prévost-Paradol.
3Haussonville, Joseph Othenin Bernard de Cléron, comte d’ (1810-1884), diplomate et homme politique. Il commença sa carrière de diplomate comme attaché à l’ambassade de France à Rome auprès de Chateaubriand en 1929. Après la révolution de 1830, il continua sa carrière diplomatique à Bruxelles, Turin et Naples. Il avait épousé en 1836 la sœur d’Albert de Broglie, Louise Albertine de Broglie. Ayant démissionné de ses fonctions de secrétaire d’ambassade en 1842, il se fit élire à la Chambre des Députés (collège de Provins). Ayant protesté contre le coup d’état du 2 décembre, il se réfugia quelque temps à Bruxelles. Collaborateur de la Revue des Deux Mondes, il fut l’un des chefs de file de l’Union libérale. Après la chute de l’Empire, il se tint à l’écart de la vie politique. Le 15 novembre 1878, il  fut néanmoins élu, en tant que républicain conservateur, sénateur inamovible.
4C'est effectivement Joseph d'Haussonville qui sera élu à l'Académie française au siège de Jean-Pons Viennet lors du scrutin du 29 avril 1869.
5Historien, auteur d'une importante Histoire du gouvernement parlementaire en France en 10 volumes, Duvergier de Hauranne dut attendre le 19 mai 1870 pour entrer à l'Académie française où il succéda à Victor de Broglie. Duvergier de Hauranne, Prosper-Léon (1798-1881), membre du groupe des « Doctrinaires », il collabora au Globe et à la Revue française. Député du Cher de 1831 à 1848, il participa à la campagne des banquets contribuant à la Révolution de Février. Il fut élu à la Constituante et à la Législative, il siégea à droite et combattit la politique de l’Église. Emprisonné après le coup d’État puis libéré, il partit peu après en exil. Rentré en France en août 1852, il se consacra à ses travaux d'historien. Demeuré à l'écart de la vie politique, il deviendra un partisan actif de Thiers après la chute de l'Empire.

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «1er janvier 1869», correspondance-falloux [En ligne], BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES, Second Empire, Année 1852-1870, Année 1869,mis à jour le : 18/01/2012