CECI n'est pas EXECUTE 4 mai 1875

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4 mai 1875

Paul de Noailles à Alfred de Falloux

Paris, 4 mai 1875

Mon très cher confrère,

J'ai appris avec beaucoup de chagrin et d'inquiétude, par M. de Bertou, la fluxion de poitrine qui vous avait saisi en arrivant au Bourg d'Iré. J'en ai eu de nouveaux détails hier par le Cte Apponyi qui vous a récemment quitté. Son langage est très rassurant et ne laisse aucune inquiétude sur votre état ; mais il ne laisse aucun espoir sur la possibilité de votre présence ici pour l'élection du 13 mai1. C'est infiniment regrettable, moins encore pour al voix perdue que pour l'action et l'influence perdues. M. Dumas2 est venu me voir hier ; nous avons compté les votes. Il est plutôt en minorité. Sur 36 votans [sic], (en vous retranchant, ainsi que l'évêque d'Orléans) il n'a que 16 voix sures. Il en aurait 20 conte lui ; majorité de 4 voix pour Jules Simon. Si on pouvait obtenir que M. Laprade3 et M. Autran4 ne vinssent pas, cela commencerait à changer la balance. Si on pouvait agir sur M. Autran et M. Augier5 et M. Mézières qu'on dit être douteux, au moins pour l’abstention, cela diminuerait encore la proportion. Il y aurait alors égalité. J'ai vu M. de Loménie6 qui votera pour M. Dumas, quoiqu'à regret. Je l'ai compté pour tel. M. Dumas voudrait que M. l'évêque d'Orléans qui l'a fort encouragé, vint voter. Je doute qu'il y consente. Je ne sais si vous pourriez lui écrire en ce sens. Vous devriez écrire à M. Laprade pour lui demander, s'il ne veut absolument pas voter pour M. Dumas, de s'abstenir. Je lui écrirai de mon côté pour le lui demander également. Dans mon calcul, je n'ai pas compté M. le duc d'Aumale pour M. Dumas. Je l'ai compté contre. Je dois le voir lundi prochain. Je lui parlerai en faveur de M Dumas. Je ne sais si M. le Cte de Bertou est encore auprès de vous, et c'est à vous que j'écris directement. S'il y est, veuillez le remercier de sa lettre. J'espère que vous pourrez me faire répondre un mot. J'attends vos instructions. Vous voudrez bien recevoir tous mes sentiments et tous mes vœux.

P. de Noailles

Notes

1Il s'agit de l'élection au fauteuil académique de F. Guizot, décédé le 12 septembre 1874.
2Dumas, Jean-Baptiste (1800-1884), chimiste et homme politique. Auteur de plusieurs ouvrages scientifiques, membre de l'Académie des Sciences (1832) et de l'Académie de Médecine (1843), il avait été élu par le Gard à l'Assemblée législative (1849-1851) où il siégea avec la droite. Entré au sénat au lendemain du coup d’État du 2 décembre, il y siégera jusqu'à la chute de l'Empire. Il sera élu à l'Académie le 16 décembre 1875, en remplacement de F. Guizot.  
3Laprade, Victor Richard de (1812-1883), poète et littérateur.  Il fut nommé professeur de littérature à la faculté des lettres de Lyon en 1848. De sentiment légitimiste et catholique libéral, il collabora au Correspondant et fut élu à l’Académie française le 11 février 1858. En 1861, suite à la publication, par le Correspondant, de ses Muses d’État, Laprade fut révoqué en tant que fonctionnaire et la revue reçut un avertissement.
4Autran, Joseph (1813-1877), poète français. Plusieurs fois candidat à l’Académie française, il était soutenu par les catholiques, son ami V. de Laprade, Thiers et Mignet mais combattu par Guizot et les libéraux, le Journal des Débats et la Revue des Deux-Mondes. Contraint de se retirer devant Octave Feuillet en 1862, il avait néanmoins été élu le 7 mai 1868, en même temps que Claude Bernard.
5Augier, Émile Guillaume Victor (1820-1889), poète et auteur dramatique, il obtint un prix Montyon pour sa comédie Gabrielle. Disciple de François Ponsard il était partisan de « l’école du bon sens » en réaction contre le drame romantique.; ses principales œuvres qui illustrent pour la plupart la morale bourgeoise sont La Ciguë (1844), Philiberte (1853), Les Effrontés (1861), Le Fils de Giboyer (1862), Maître Guérin (1864), Paul Forestier (1868), Madame Caverlet (1876), et, en collaboration avec Jules Sandeau, Le Gendre de M. Poirier (1854) ; il collabora aussi avec Labiche. Plusieurs fois candidat à l'Académie, soutenu par le parti libéral, Thiers, Rémusat, Mérimée, Sainte-Beuve, il fut élu le 31 mars 1857, par 19 voix contre 18 à V. de Laprade, candidat de V. Cousin, Montalembert, etc. Ce fut la voix de Musset qui assura l'élection d’Émile Augier. Il fut nommé sénateur à la fin de l'Empire ; il était Grand-Officier de la Légion d'honneur.
6Loménie, Louis de (1815-1878), essayiste. Professeur de littérature française au Collège de France et à l’École Polytechnique, il est l'auteur d'une importante Galerie des Contemporains illustres par un Homme de rien, en 10 volumes (1840-1847). Il avait été élu à l'Académie le 30 décembre 1871 en remplacement de P. Mérimée.  

Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «4 mai 1875», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1875, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 27/01/2012