CECI n'est pas EXECUTE 19 février 1876

1876 |

19 février 1876

Louis-Jules Trochu à Alfred de Falloux

Tours, le 19 février 1876

Mon cher Comte,

Ma mère presque nonagénaire, était parmi nous le représentant vénérable de tout un ordre de principes et de traditions qui ne sont plus guère dans nos familles qu'à l'état de légende. Elle a vécu jusqu'à son dernier jour dans la simplicité et les vertus du foyer bas-breton d'avant la révolution. Elle ne savait rien de ce que savent les mères d'aujourd'hui. Elle savait et elle nous a enseigné doucement, patiemment, affectueusement, tout ce qu'elles ne savent plus. C'est de cet incomparable chef de famille, plein de foi, de bonté, de naïveté morale, que trois générations ont appris Dieu, les respects, l'esprit de sacrifice, l'esprit de famille, par les leçons de la première éducation et par l'exemple. C'est à ma mère, quand les grands orages et les grandes épreuves sont venues pour moi, que j'ai dû de discerner facilement le devoir incertain, de l'accomplir sans hésitation, d'en accepter et d'en subir avec tranquillité les conséquences certaines. Voilà quelle vénérée fondatrice et bienfaitrice je viens de déposer dans la tombe où depuis quinze ans mon père, de digne mémoire, l'attendait. C'est le plus grand déchirement de ma vie, et à la pensée de cette séparation, mes yeux de vétéran près de répondre au dernier appel, pleurent comme les yeux d'un enfant abandonné. Vous avez deviné mon inconsolable chagrin, sans savoir ce que je viens de vous révéler. Vous avez voulu vous y associer, dans des sentiments dont je sais le prix et dont je sens l'honneur. J'en suis profondément touché.

Gal Trochu


Notice bibliographique


Pour citer ce document

, «19 février 1876», correspondance-falloux [En ligne], Troisième République, 1876, BIOGRAPHIE & CORRESPONDANCES, CORRESPONDANCES,mis à jour le : 06/02/2012