1876 |
24 janvier 1876
Armand de Pontmartin à Alfred de Falloux
Les Angles, par Villeneuve les Avignon, Gard, 24 janvier 1876
Mon cher comte,
Je me reprochais de n'avoir pas encore répondu à votre sympathique appel en faveur de M. de Blois et de son livre. Je suis bien en retard ; mais la faute est au tourbillon électoral qui m'emporte, tantôt vers mes amis du Gard, tantôt vers mes amis de Vaucluse. Je fais attendre aussi, à mon grand regret, M. l'abbé Houssaye1, dont le bel ouvrage sur le cardinal de Bérulle aurait mérité plus d'empressement. Mais peut-être dans l'intérêt même de ces <mot illisible> sérieuses, vaut-il mieux laisser passer cette crise bruyante où la folie et la méchanceté humaines se font une si large part. Ceci, mon cher comte, me servira de transition pour vous adresser au lieu d'excuser ma requête. Ne voulant pas rester tout à fait inactif et inutile aux approches de cette lutte décisive, j'ai commis une brochure sous ce titre : Les Elections de 1876. Je ne vise bien entendu, que le suffrage universel et les élections du 20 février. Messieurs les délégués sénatoriaux sont de trop grands seigneurs pour se laisser convertir ou persuader par mes simples arguments. La brochure s'adresse spécialement aux électeurs de campagne, aux ruraux de notre zone méridionale, de Toulouse à Nice. Pourtant, sauf quelques détails de couleur locale, je crois que les vérités que j'ai essayé d'exprimer sont applicables à toute la France.
Maintenant, grâce au désistement de l'imprimeur-éditeur. M. Seguin, nous pouvons livrer, pour 25 centimes, cette brochure qui paraîtra, à Avignon, lundi prochain 31 janvier. Ce n'est pas le succès que nous voulons, c'est la propagande ; mais cet exclusif bon marché nous interdit l'intervention des libraires. Ils exigeraient une remise et M. Seguin serait trop en perte. Ce qu'il nous faudrait, ce serait le concours des comités électoraux et des candidats conservateurs qui auraient, dans leur arrondissement, de bonnes chances sans avoir de certitude. Il leur suffirait d'écrire à M. Roumanille, libraire, rue St Agricol, ou à M. Seguin, éditeur, rue Bouquerie (Avignon), ils recevraient autant d'exemplaires que leur lettre contiendrait de timbres post.
J'ai pensé, mon cher comte, que vous connaîtriez peut-être dans les provinces de l'ouest, un certain nombre de ces comités ou de ces candidats, et que votre recommandation pourrait les décider. Je me hâte d'ajouter que, dans ces 70 pages, je ne combats que les radicaux et les communistes, et que j'applique le titre collectif de conservateur à tous les hommes d'ordre, quelle que soit d'ailleurs leur nuance.
Hélas ! Ce n'est pas ainsi que l'entendent mes voisins de Nîmes. Aussi ne suis-je pas sans inquiétudes pour la journée de dimanche. Notre ami M. de Larcy2 est menacé d'un nouvel échec, et je m'étonne qu'il s'y expose. Oh ! Comme il y a plus de dignité et de grandeur morale dans ces retraites volontaires qui déjouent les ingratitudes d'en-bas et les aveuglements d'en-haut, et maintiennent intacts un nom, une situation, un caractère ! Je m’arrête, mon cher comte, ou plutôt, c'est vous qui m’arrêteriez si je ne me bornais pas à vous demander pardon de mon indiscrétion, et à vous prier d'agréer l'assurance de ma profonde sympathie, de ma fidèle et affectueuse admiration.
A. de Pontmartin