1876 |
2 février 1876
Alfred de Falloux à Charles de Lacombe
2 février 1876*
Mon cher ami,
J'ai toujours suivi avec la plus tendre sollicitude les moindres renseignements qui me venaient du Puy-de-Dôme1, et je m'étais flatté d'un tout autre résultat. Je suis donc profondément affligé et, quoi que je vous reconnaisse toutes les conditions d'une prompte revanche, je ne puis être sensible pour aujourd'hui à cette consolation. C'est demain, c'est tout de suite que votre jeune autorité et que votre raison persuasive était nécessaire. Ce qui vous ont refusé cette justice ne tarderont pas à vous la rendre, et les occasions ne manqueront pas. Le Sénat, dans son ensemble, fait bien peu de plaisir, mais il ne me paraît cependant pas de nature à causer de l'inquiétude. C'est un fils qui ressemble trop à son père, mais qui ne sera pas dénaturé, et laissera honnêtement le temps faire son œuvre. Ce sont surtout les gens pressés qui ont été mis à l'écart, les radicaux, les bonapartistes et les monarchistes ultra. C'est bien là le sentiment du pays, ce n'est pas héroïque, mais c'est sensé, et si le maréchal de Mac-Mahon se donne un gouvernement2 qui sache manier les hommes, il réduira en bien peu de temps les intransigeants à un petit nombre. C'était justement dans cette œuvre de sang-froid et de clairvoyance que votre place était marquée, cher ami, et c'est là que je ne puis calmer mon regret présent, malgré ma très ferme et très sincère espérance pour l'avenir. En attendant, dites-moi bientôt que votre santé n'a pas souffert d'un séjour en Auvergne, dans le cœur de l'hiver et dans une épreuve que vous avez le droit de trouver douloureuse, car votre intérêt personnel y est bien étroitement uni à celui du pays tout entier. Et Hilaire, combien il va souffrir aussi pour vous dont il était si justement fier ! Et Mme de Lacombe3, et Mlle Jeanne4, se gardent-elles bien du découragement ? Je leur demande la permission de les embrasser en même temps que vous !
Alfred
*Cette lettre a été publiée sans annotations dans le Journal politique de Charles Lacombe, t.1, p. 247-248.